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Des femmes adouls au Maroc, mais après?

Le roi du Maroc, en sa qualité de commandeur des croyants, a pris, après avis favorable du Conseil supérieur des oulémas, la décision d’ouvrir la profession de adoul aux femmes. L’annonce en a été faite aux termes du conseil des ministres du 22 janvier 2018.

Cette profession jusqu’à présent était exclusivement masculine et ne pouvait être exercée qu’après participation au concours organisé par le ministère de la justice. Ainsi, de par la décision royale, ce ministère sera dans l’obligation de faciliter l’accès des femmes à ce concours. Les Marocaines et toute personne éprise d’égalité ne pourraient que se réjouir de cette nouvelle!

Chacun sait que le rôle d’un adel est d’apporter son témoignage en matière matrimoniale ou patrimoniale et de le sceller dans un acte authentique. Il intervient ainsi lors des mariages et des partages d’héritages, ces matières étant régies, pour les musulmans, par le droit musulman lequel est fondé sur le coran et la charia.

Or, fait important, l’ouverture de la profession de adoul aux femmes bute justement sur ce droit car le témoignage des femmes y est discriminé.

En effet, selon le droit musulman, le témoignage d’une femme vaut la moitié de celui d’un homme et cette appréciation se base sur le verset 282 de la sourate de la Vache qui recommande : « Demandez le témoignage de deux témoins parmi vos hommes. Si vous ne trouvez pas deux hommes, choisissez un homme et deux femmes parmi ceux que vous agréez pour témoins, afin que si l’une des deux femmes se trompe, l’autre lui rappelle ce qu’elle aura oublié ».

La discrimination dans le témoignage a donc pour raison évidente le doute sur les capacités mentales des femmes. Ainsi, l’institutionnalisation de ce doute ne peut que déstructurer le rôle futur de la femme adel et, à la limite, le vider de son sens puisque le témoignage structure la profession de adel.

Cette discrimination des femmes est de plus en total déphasage avec l’article 19 de la constitution marocaine et son principe de l’égalité qui sont sensés régir le pays.

Il semble que cette aberration juridique aurait dû être rectifiée en même temps ou même avant l’ouverture de la profession aux femmes. Autrement, il serait facile d’imaginer les réactions des faucons du droit musulman.

Par exemple, ils pourront clamer haut et fort que l’authentification d’un acte juridique qui nécessite le témoignage d’un homme adel nécessitera celui de deux femmes adoul!

*Juriste, politiste et experte en genre et droits humains

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