Opinions، Slider

Les oasis marocaines face aux enjeux de la gestion territoriale

OASIS – Le développement durable dans les oasis marocains revêt une importance primordiale, vu la position géographique mitoyenne du désert. Ceci l’érige en une composante écologique et un écosystème économique et social particulier et bien distinct à la faveur de son patrimoine culturel, architectural et humain. Le système oasien est en effet bien ancré dans l’histoire humaine et reflète un cumul culturel et historique permanent, transmissible à travers les générations.

Les oasis ont sans aucun doute contribué à l’édification de l’histoire humaine, en tant que berceau de diverses civilisations, comme cela se trouve avéré par les gravures rupestres dispersées dans les endroits oasiens. Et ce n’est pas l’Unesco qui dira le contraire, notamment à la faveur de sa déclaration de novembre 2000 qui a classé les oasis marocains comme réserve biologique des oasis du sud du Maroc (RBOSM), pour rejoindre un réseau international comprenant plus de 200 réserves de ce genre appartenant à plus de 100 Etats à travers le monde.

Depuis que le grand Sahara s’est installé en séparant l’Afrique du nord de l’Afrique subsaharienne, les oasis comme espace ont adopté et développé des système de résilience qui leur ont permis de se pérenniser durant des milliers d’années. Les systèmes oasiens s’érigent en modèle intégrant des enjeux agricoles (khattara…), économiques (transport caravanier), culturels (mouvements de pensées, soufis, zawia…), architecturaux (ksour…), sociaux (lois régissant la vie au sein du ksar et partage et gestion des eaux amghar, mezrag…).

Les oasis ne s’étaient pas seulement adaptés aux changements climatiques et à la menace de la désertification, puisque dans leur histoire, ils ont aussi été affectés par des phénomènes anthropogéniques comme:

  • Les relations avec les grandes tribus nomades du Sahara
  • Les changements des itinéraires des routes caravanières
  • Les relations avec les dynasties au pouvoir
  • Les bouleversements avec l’arrivée des Français

Aujourd’hui, les oasis font face à des enjeux aussi divers qu’importants:

  • Les changements climatiques
  • La migration de la tranche laborieuse vers d’autres horizons au niveau du Maroc et aussi de l’extérieur
  • Les lois traditionnelles qui régissaient toutes les composantes de la vie des oasis ne sont plus respectées alors que les nouvelles lois modernes tardent à montrer leur efficacité
  • L’aspiration d’une bonne partie de la population à la modernité
  • Les bouleversements économiques

Ces défis frappent de plein fouet le système écologique et culturel de ces zones naturelles. Cette situation déficiente est attribuée aux dysfonctionnements touchant aux équilibres environnementaux ayant assuré par le passé la continuité au système oasien. Plusieurs facteurs en sont la cause, dont la désertification et les changements climatiques qui annoncent la disparition de plusieurs oasis et aggrave les conditions de vie des populations oasiennes ainsi que les conditions écologiques déjà fragiles. Le résultat est sans vergogne: menaces persistantes du système de savoirs et connaissances développées par l’être humain pour une gestion durable ainsi que l’adaptation aux changements climatiques.

C’est, par conséquent, d’une vision intégrée que l’on a besoin pour contourner les défis des politiques sectorielles, pour unifier et coordonner les efforts de tous les intervenants et la mobilisation de toutes les parties prenantes.

Sauver les oasis ou ce qui en reste revient ainsi à relever le challenge économique, à travers l’inventaire et la création des activités à même d’être développées dans ces zones naturelles fragiles. Lesquelles activités ne naissent pas deus ex machina, mais bel et bien en relation avec l’activité oasienne fondamentale à savoir l’agriculture. Il n’est donc pas possible de diversifier les activités et de créer des activités génératrices de revenus, susceptibles de créer des postes d’emploi sans s’occuper, faire évoluer et développer le secteur agricole, lequel reste le plus à même d’attirer davantage d’investissements et partant de contribuer à un développement socio-économique solidaire valorisant les potentialités locales et ayant une forte valeur ajoutée sociale.

Il faut dire que la sauvegarde du patrimoine oasien se heurtent à des difficultés énormes. Il y a lieu d’énumérer ainsi quelque unes:

  • Les politique de sauvegarde du patrimoine oasien ont accordé la priorité à l’aspect culturel (architecture, mode d’irrigation…), sans se soucier des changements et des exigences actuelles.
  • Les politiques ne tiennent pas en compte les changements humains: le déplacement des habitants du ksar vers des habitations moderne et leurs remplacement par des nomades en voie de sédentarisation.
  • Le ksar et l’oasis traditionnel sont confrontés à des problèmes d’ordre juridique (statut des terres et titres de propriété, morcellement) qui entravent toute action de développement.

Les oasis sont ainsi dans le besoin d’alternatives afin de booster l’économie locale et contribuer, par ricochet, au développement, notamment à travers le tourisme solidaire et responsable. Grâce à ce secteur, il serait possible pour les oasis de préserver leur culture, leurs valeurs et leurs traditions, ainsi que leur identité et leur environnement. Le tourisme serait donc un levier pour développer et promouvoir ces zones oasiennes et permettrait même d’établir des passerelles culturelles entre les oasiens et d’autres peuples, d’autres cultures et d’autres civilisations. Il est dès lors fort recommandé de prendre en considération la question de la gestion territoriale, d’un point de vue d’équilibre, de concurrence et de solidarité territoriale entre les différentes composantes du territoire national.

Dans le passé, les oasis constituait un espace prospère régissant même les relations avec l’Afrique subsaharienne et le Maghreb. Mais depuis que tout le poids économique du royaume s’est dirigé vers l’Atlantique, l’Europe en particulier, les montagnes de l’Atlas se sont érigées en obstacle naturel, mais aussi économique, voire psychique! Conjugué aux politiques publiques successives, tout cela a aggravé la division et les distorsions entre un Maroc atlantique et méditerranéen prospère d’une part, et un Maroc lointain évoluant à un rythme de développement très lent, dont les oasis constituent une partie non négligeable.

Toutes ces données sont en mesure d’interpeller, au même titre, les intervenants et chercheurs sur la question de l’aménagement du territoire national, l’objectif étant de rendre à ces espaces l’équilibre climatique et environnemental propice et nécessaire, redresser les dysfonctionnements structurels au niveau du territoire et redorer aussi le blason des oasis, en tant que trait d’union entre l’Atlantique et la Méditerranée d’une part et l’Orient et le Sud de l’autre, pour assurer cette relation fort louable avec notre profondeur africaine.

Dans ce contexte, le Forum international des oasis et du développement local (FIODL), organisé du 24 au 27 février 2018 à Zagora, vise à traduire les aspirations des populations dans les faits, à travers l’élaboration des mécanismes de développement durable alternatifs, avec la participation de tous les intervenants de la biodiversité et de la diversité culturelle, ainsi que la gestion de la rareté des ressources hydriques. Le Forum ambitionne également la mise en relief du rôle primordial des oasis marocaines dans l’aménagement du territoire et le développement durable.

Le Forum a également pour objectifs de contribuer à élaborer une stratégie participative de développement, qui vise à la réalisation d’un élan économique responsable, fondé sur les potentialités oasiennes agricoles et culturelles. Cette manifestation à caractère socio-économique œuvre à la mise en valeur du patrimoine matériel et immatériel, dont les arts, les métiers, le savoir-faire oasien, et ce dans l’objectif de promouvoir l’économie oasienne et l’économie sociale et solidaire.

Les challenges modernes sont ainsi multiples, et l’on pourrait citer:

  • Le Plan Maroc Vert et la mise en place d’une agriculture moderne, ce qui suscite le débat sur la place de l’agro-système oasien dans ce nouveau contexte.
  • Le tourisme, notamment sa composante écologique et culturelle, et ses retombées et effets secondaires sur les oasis.
  • A part les phosphates, les principales richesses minières sont situées dans la région des oasis (quels types d’exploitation, grandes sociétés, coopératives semi artisanales (cadetaf), activités clandestines (trafic des fossiles).
  • L’extension des villes (architecture, assainissement, espaces verts…)
  • L’avancée de l’enseignement dans l’espace oasien, et l’installation de facultés, instituts, lycées et collèges…

Les organisateurs entendent aboutir à une collecte intellectuelle et scientifique, à travers les actes et travaux des experts, chercheurs ainsi qu’intervenants. L’objectif ultime est que le développement local et l’avenir des zones oasiennes soient l’objet d’un débat, d’un dialogue public responsable et continu.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *