Société

Tazmamart : Les victimes défient Bouayach et rejettent toute tentative de “glamouriser” la mémoire du centre de détention

L’Association des Victimes de Tazmamart a fermement rejeté l’exploitation de la souffrance des victimes « en vue de promouvoir un discours pseudo-humanitaire au sujet du centre de terreur et d’atrocités, et de dépenser la somme de 42 millions de dirhams pour masquer les douleurs d’une mémoire tragique par un simple maquillage et des constructions vides de sens. »

Dans un communiqué parvenu à la rédaction du journal « Al Oâmk fr », l’association a condamné l’abandon silencieux des victimes humaines, déplorant que le Conseil national des droits de l’homme ait manqué à ses engagements concernant la résolution du dossier des victimes. L’Association des Victimes de Tazmamart a vivement critiqué cette rétractation, déclarant : « Est-ce ainsi que la réconciliation entre victimes et bourreaux doit se faire, réconciliation que nous continuons de revendiquer et qui fut tracée comme feuille de route par Sa Majesté le Roi ? »

Cette prise de position intervient à la suite d’une rencontre entre certains membres du Conseil national des droits de l’homme et l’Association Tazmamart, ainsi que des associations de la société civile engagées sur cette question. L’absence de la présidente du Conseil à cette réunion a été perçue par l’association comme un « signe fort de la volonté de l’État d’abandonner les victimes et leurs ayants droit, les laissant mourir en silence. »

L’Association des Victimes de Tazmamart a ainsi souligné l’absence de volonté politique réelle de l’État marocain pour une résolution définitive de cette affaire. Elle a dénoncé « la violation systématique du droit à la vie et les traitements dégradants, notamment dans les cas de santé critique des victimes et de leurs ayants droit. »

L’association a également exprimé son indignation face au refus de l’État marocain d’octroyer une pension similaire à celle accordée aux autres prisonniers bénéficiaires de la grâce royale, arguant que ce refus émanerait de la résistance du ministère de la Défense. Elle a par ailleurs annoncé sa disposition à participer de manière constructive à l’identification des défunts et des ayants droit, à condition que cela se fasse sous la supervision de l’Association Tazmamart et des organisations de défense des droits humains.

En outre, l’association a déclaré qu’elle était prête à mener toutes les luttes pacifiques nécessaires pour revendiquer ses droits et préserver la dignité des victimes, y compris par des sit-ins, des grèves de la faim et des recours aux comités internationaux sur la détention arbitraire et les disparitions forcées.

Précédemment, le Conseil national des droits de l’homme avait accédé à la demande d’analyses génétiques des restes des prisonniers décédés dans le centre secret de Tazmamart, demande formulée par l’Association des Victimes depuis 20 ans.

L’Association des Victimes de Tazmamart a salué cette décision, bien qu’elle soit intervenue deux décennies après la formulation initiale de la requête.

Le bureau de l’association a révélé, dans un communiqué, qu’une réunion en ligne s’est tenue le 29 août 2024, avec la participation de nombreuses victimes et familles liées à ce centre tristement célèbre. Il a été noté que le Conseil national des droits de l’homme a pris contact avec certaines familles des ayants droit pour effectuer les analyses génétiques des martyrs décédés injustement dans ce centre de détention.

Selon le communiqué reçu par « Al Oâmk fr », après plusieurs heures de discussions approfondies, il a été convenu que l’association reste le représentant légitime et unique des victimes et ayants droit, étant leur porte-parole et le garant de leurs aspirations et revendications.

Le communiqué souligne également l’importance d’une approche globale et équitable pour traiter le dossier des victimes de Tazmamart, conformément aux conventions internationales, afin de rendre pleinement justice et de réparer les préjudices subis, tant individuellement que collectivement pour la communauté de Tazmamart.

L’Association des Victimes de Tazmamart a également convenu d’adresser une lettre à la présidente du Conseil national des droits de l’homme, Amina Bouayach, pour demander une réunion urgente sur les revendications des victimes et ayants droit.

Le rapport annuel du Conseil national des droits de l’homme pour 2023 sur l’état des droits humains au Maroc a indiqué que le Conseil suivait avec un laboratoire génétique international l’analyse des échantillons osseux présumés appartenir aux victimes décédées dans le centre de Tazmamart. Cependant, la détérioration des échantillons a rendu ces analyses difficiles.

Le rapport a ajouté que le Conseil avait formé une commission composée de représentants du Comité de suivi des recommandations de l’Instance équité et réconciliation, de la Présidence du ministère public, d’experts du laboratoire génétique national de la police scientifique et du service de médecine légale. Cette commission s’est rendue au laboratoire international le 28 novembre 2022 pour extraire l’ADN de deux échantillons restants.

Les premiers résultats obtenus en juillet 2023 se sont avérés positifs, permettant de poursuivre l’extraction de l’ADN des autres échantillons endommagés. Cette étape s’inscrit dans le cadre de la recommandation de l’Instance équité et réconciliation de continuer à enquêter sur les lieux d’inhumation et de répondre au droit des familles de connaître l’identité de leurs proches.

Depuis 2020, le Conseil a adopté une nouvelle dynamique pour accélérer les travaux d’aménagement, incluant l’aménagement de l’ancien centre de détention de Tazmamart, la restauration de celui d’Agdez, l’achèvement des lieux de sépulture des victimes de disparitions forcées et d’événements sociaux, ainsi que le soutien aux forums des victimes et la préservation de leurs récits.