Économie

Fusion CNSS-CNOPS : un expert met en garde contre un déséquilibre financier et social

L’économiste et expert financier Zakaria Garti a mis en garde contre le risque de transformer la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) en une nouvelle « Caisse de Compensation » servant à combler le déficit du Régime Collectif d’Allocations de Retraite (CNOPS) pour la troisième année consécutive. Il a appelé à une réforme « globale » des caisses d’assurance maladie.

Dans une vidéo publiée sur sa chaîne YouTube, Garti a expliqué qu’au moment où le déficit du CNOPS a atteint 1,28 milliard de dirhams en 2023, la CNSS, de son côté, a enregistré un excédent significatif de plus de 30 milliards de dirhams. Il a alerté sur le fait que l’objectif derrière la fusion des deux caisses pourrait être de dissimuler le déficit du CNOPS.

Garti a également souligné les différences notables entre le CNOPS et la CNSS, rendant l’opération de fusion complexe. Les fonctionnaires du secteur public cotisent à hauteur de 5 % au CNOPS, avec un plafond de 400 dirhams par mois, tandis que les salariés du secteur privé contribuent à hauteur de 6,37 % sans plafond.

L’expert a poursuivi en affirmant que l’harmonisation des cotisations entre les deux secteurs serait cruciale afin d’éviter toute « injustice ». Toutefois, il a précisé que l’augmentation des cotisations des fonctionnaires du secteur public est politiquement improbable, et que le gouvernement évite de discuter de cette question, de peur de susciter des tensions sociales.

Dans ce même contexte, Garti a souligné que cette « injustice » entre les adhérents des deux caisses ne concerne pas seulement les cotisations, mais aussi les remboursements des frais de santé. En effet, les fonctionnaires du secteur public bénéficient d’un remboursement de 90 % des frais d’hospitalisation sur la base du tarif de référence national, contre 70 % pour les salariés du secteur privé, signifiant que les adhérents du CNOPS sont avantagés en matière de remboursements.

Garti a ainsi appelé à une réforme « globale » des caisses d’assurance maladie, avertissant contre des solutions se limitant à réduire les prestations ou à augmenter les cotisations. Il a insisté sur la nécessité d’une réforme profonde, englobant notamment la révision de plusieurs politiques, y compris celles relatives aux médicaments au Maroc.

L’expert a précisé que les médicaments représentent entre 20 et 30 % des dépenses des caisses d’assurance maladie, avec 5 000 médicaments couverts par l’assurance sur un total de 7 500 disponibles au Maroc, un chiffre qu’il juge élevé, d’autant qu’en 2006, seuls 1 000 médicaments étaient couverts. Cette expansion des médicaments pris en charge constitue désormais une menace pour les caisses d’assurance maladie.

Il a également rappelé une étude réalisée par le CNOPS sur 300 médicaments au Maroc, qui a révélé qu’« en alignant les prix des médicaments sur ceux pratiqués en France, le CNOPS pourrait économiser environ 600 millions de dirhams par an en remboursements de médicaments ».

En outre, le gouvernement marocain se prépare à intégrer les fonctionnaires du secteur public au sein de la CNSS, dans le but de confier la gestion des régimes d’assurance maladie obligatoire à un seul organisme.

Le gouvernement envisage de promulguer une loi transférant la gestion du régime d’assurance maladie obligatoire des fonctionnaires du secteur public à la CNSS, remplaçant ainsi le CNOPS. De cette manière, l’ensemble des régimes d’assurance maladie obligatoire seraient gérés par une seule entité.

Cependant, ce projet a fait face à une opposition considérable de la part de plusieurs organisations politiques et syndicales, ce qui a poussé le gouvernement à reporter son adoption à une date ultérieure, bien qu’il ait été inscrit à l’ordre du jour du Conseil du gouvernement du jeudi 19 septembre 2024.