Le marché des médicaments au Maroc est en plein délire ! Une enquête récente a mis le doigt sur des différences de prix hallucinantes entre le Maroc et ses voisins européens. Certains médicaments sont jusqu’à 1598% plus chers au Maroc qu’en France, soit plus de quinze fois le prix. Cet écart considérable met en lumière des disparités injustifiées et soulève des interrogations sur les politiques de tarification du marché pharmaceutique au Maroc.
L’échantillon obtenu par le journal « Al-Oamk fr », composé de 20 médicaments, révèle des disparités flagrantes dans les prix des médicaments au Maroc, en particulier ceux utilisés pour traiter les maladies graves et chroniques telles que le cancer, les maladies auto-immunes, les affections cardiaques et le diabète.
Ces divergences soulèvent de sérieuses questions quant à l’existence d’un contrôle efficace du secteur. Selon des sources interrogées par le journal, « il est inacceptable que des patients, déjà confrontés à des situations sanitaires critiques, aient à supporter des charges financières considérables uniquement pour accéder à des traitements essentiels qui pourraient être disponibles à des prix raisonnables dans d’autres pays ».
Ces sources soulignent qu’il y a « une exploitation claire et injustifiée de la souffrance des patients, qui nécessite une action urgente pour revoir les mécanismes de fixation des prix et garantir l’accès de tous les citoyens à des médicaments à des prix équitables, en fonction de leur pouvoir d’achat ».
Le journal « Al-Oamk fr » a délibérément choisi la France et la Belgique comme points de comparaison en raison de leur proximité géographique et culturelle avec le Maroc, outre le maintien d’un salaire minimum trois à quatre fois plus élevé qu’au Maroc. Pourtant, il apparaît que les prix de certains médicaments en France et en Belgique restent nettement inférieurs à ceux proposés sur le marché marocain. Si une comparaison était faite avec d’autres pays tels que l’Inde ou certains pays arabes ayant des niveaux de salaires similaires à ceux du Maroc, les résultats seraient encore plus surprenants, mettant en évidence l’ampleur de l’écart dans les prix des médicaments et soulignant la nécessité de reconsidérer les politiques de santé et de prix au Maroc.
En effet, le médicament anticancéreux « Temodal 5 mg » est vendu au Maroc au prix de 219 dirhams, alors qu’il ne coûte que 1,20 euro (12,90 dirhams) en France et 9 euros (96,70 dirhams) en Belgique. La différence de prix entre le Maroc et la France est donc de 206 dirhams, soit une augmentation de 1598%.
Par ailleurs, l’« Avastin 100 mg », également utilisé dans le traitement du cancer, est un autre exemple de ces écarts considérables. Son prix au Maroc est de 1908 dirhams, alors qu’il ne dépasse pas 109,60 euros (1184 dirhams) en France et 127,10 euros (1840 dirhams) en Belgique, ce qui signifie que le prix au Maroc est 147% plus élevé qu’en France.
Parmi les autres médicaments présentant des différences de prix significatives, citons le « Stelara 90 mg », utilisé pour traiter les maladies auto-immunes, vendu au Maroc à 31 282 dirhams, alors que son prix en France est de 858,58 euros (9 256,60 dirhams) et en Belgique de 1 404,71 euros (15 159 dirhams), ce qui représente une différence de prix allant jusqu’à 338 % par rapport à la France.
Le « Pradaxa 110 mg », prescrit pour le traitement de la thrombose, est commercialisé au Maroc à 1 026 dirhams, tandis que son prix ne dépasse pas 25,93 euros (278,50 dirhams) en France, soit une différence de prix de 268%. Le prix du « Vidaza 25 mg/ml », utilisé dans le traitement de la leucémie, atteint 15 530 dirhams au Maroc, alors qu’il s’élève à 2 532,80 dirhams en France et à 2 980,40 dirhams en Belgique, ce qui représente une augmentation de 513% au Maroc par rapport à la France.
Le médicament « Eloxatine 5 mg/ml », utilisé dans le traitement du cancer, est vendu au Maroc à 1 203 dirhams pour la petite dose (10 ml) et à 2 206 dirhams pour la grande dose (20 ml), alors que son prix en France est respectivement de 117,40 euros (1 203 dirhams) et de 234,90 euros (2 206 dirhams). En Belgique, le prix est de 397,50 dirhams et de 794,90 dirhams, soit une différence de 925% avec la France pour la petite dose et de 839% pour la grande dose.
Le « Carboplatine Cooper 450 mg », un autre médicament anticancéreux, est vendu au Maroc à 1 553 dirhams, alors que son prix en France est de 208,40 euros (2 084 dirhams) et en Belgique de 1 190,00 dirhams, ce qui signifie que la différence avec la France atteint 645%. Le « Temodal 100 mg », destiné au traitement du cancer, est vendu au Maroc à 9 552 dirhams, tandis que son prix en France est de 920,10 euros (9 201 dirhams), reflétant une augmentation de 603%.
Le « Plavix 75 mg », utilisé pour prévenir la coagulation sanguine, est vendu au Maroc à 316 dirhams, alors que son prix en France est de 10,40 euros (110,40 dirhams) et en Belgique de 338,10 dirhams, ce qui représente une augmentation de 186% par rapport à la France, mais il est légèrement moins cher qu’en Belgique. Le « Afinitor 5 mg », destiné au traitement du cancer, est vendu au Maroc à 12 830 dirhams, tandis que son prix en France est de 6 127,90 dirhams et en Belgique de 8 113,50 dirhams, soit une augmentation de 209% par rapport à la France.
Le « Tysabri 300 mg », prescrit pour le traitement de la sclérose en plaques, est vendu au Maroc à 16 280 dirhams, alors que son prix en France est de 9 360,80 dirhams et en Belgique de 11 525,50 dirhams, reflétant une augmentation de 174% par rapport à la France. Concernant le « Lantus Solostar 100 UI », utilisé dans le traitement du diabète, il est vendu au Maroc à 744 dirhams, tandis que son prix en France est de 423,30 dirhams et en Belgique de 502,90 dirhams, ce qui signifie que la différence de prix avec la France atteint 76%.
En outre, selon l’échantillon analysé par le journal « Al-Oamk fr », l’« Immunoglobuline 5% », utilisée pour traiter les déficiences immunitaires, est vendue au Maroc à 13.480 dirhams, alors que son prix en France est de 3.550,20 dirhams et en Belgique de 4.389,90 dirhams, soit une augmentation de 285% par rapport à la France.
La question des prix élevés des médicaments au Maroc remonte à plusieurs années. Une commission parlementaire a effectué une mission d’enquête en 2009, dont le rapport a mis en évidence de nombreuses irrégularités dans le secteur pharmaceutique. À l’époque, la commission avait mis en évidence des problèmes liés à la tarification et à l’approvisionnement des médicaments, ainsi qu’à l’absence d’un contrôle suffisant du marché.
Le rapport de la mission d’information sur le prix des médicaments au Maroc avait conclu que les irrégularités constatées dans le secteur de la vente de médicaments au Maroc avaient un impact négatif sur la capacité des citoyens à accéder aux médicaments essentiels, reflétant ainsi l’urgence de prendre des mesures immédiates pour garantir une plus grande transparence et améliorer les conditions dans ce secteur vital.
Parmi les irrégularités identifiées par le rapport de la mission d’enquête, relevons que les prix des médicaments varient considérablement entre le Maroc et les autres pays. Un même médicament, produit par la même entreprise et portant le même nom et le même emballage, est disponible à des prix très différents, avec des variations qui peuvent dépasser 100% au Maroc. Par conséquent, la comparaison des prix d’un groupe de médicaments les plus vendus au Maroc avec les prix des mêmes médicaments dans des pays ayant un niveau de développement similaire ou plus avancé a été la première étape pour répondre à la question « Pourquoi les prix des médicaments sont-ils élevés au Maroc ?
Selon le rapport, le même médicament est parfois disponible sous différentes marques commerciales, entraînant des variations importantes de prix. Par exemple, l’amoxicilline (un antibiotique) est disponible sous des dizaines de marques différentes, avec des écarts de prix allant jusqu’à 70%. Le prix d’une boîte contenant 12 comprimés de 1 gramme varie de 53,55 dirhams pour le moins cher à 93,85 dirhams pour le plus cher.
Le paradoxe, selon le rapport, est que les médicaments les plus chers sont souvent les plus vendus. Dans certains cas, la différence de prix peut dépasser 600%. Un exemple en est l’oméprazole, utilisé pour traiter les ulcères gastriques, qui est disponible sous 12 marques différentes. Le prix de la boîte (14 gélules de 20 mg) varie de 42 dirhams pour le fabricant le moins cher à près de 310 dirhams pour le plus cher.
Le rapport a souligné qu’en comparant les prix du même médicament au Maroc selon les différents canaux de distribution, des écarts importants apparaissent dans les prix du même médicament (même composant, marque et emballage) selon le canal d’achat utilisé. Ces écarts peuvent être très élevés et parfois surprenants. Par exemple, le Taxol (TAXOL), utilisé pour traiter certains cancers, est vendu au public dans les pharmacies à environ 2 230,90 dirhams (pour une injection de 30 ml), tandis que le prix à l’hôpital est de 1 478,60 dirhams, et dans les pharmacies de la Caisse Nationale des Organismes de Prévoyance Sociale, il coûte « seulement » 640 dirhams. (Il convient de noter que les prix mentionnés dans le rapport datent de 2009 et peuvent différer des prix actuels).
Parmi les faits marquants relevés par le rapport de la mission d’information, nous constatons qu' »un même fabricant peut proposer le même produit (avec les mêmes ingrédients et le même conditionnement) sous des marques différentes à des prix qui varient du simple au triple. C’est le cas de l’oméprazole que la même société vend sous le nom de Mopral à 310 dirhams et sous le nom d’Omepral à 95 dirhams. Parallèlement, un fabricant peut vendre le même produit (avec les mêmes molécules et la même marque) dans des emballages légèrement différents à des prix variant du simple au double. Par exemple, il est difficile de justifier les grandes différences de prix entre les comprimés ordinaires et les comprimés effervescents par le seul coût de production ».
Le rapport a également indiqué qu' »un fabricant peut commercialiser le même produit (avec les mêmes molécules, la même marque et le même emballage) à des prix variant du simple au sextuple dans le cadre d’appels d’offres. C’est le cas de l’insuline humaine, par exemple, que la société Sothema commercialise à 28 dirhams dans le cadre d’un appel d’offres avec la municipalité de Casablanca, alors que son prix dans les pharmacies atteint 198 dirhams. Même en tenant compte des marges de distribution, la différence reste quadruple, ce qui est difficile à justifier ».
En outre, le problème des prix élevés des médicaments au Maroc est loin d’être nouveau, les disparités de prix entre les différentes marques et les différents canaux de distribution remontent à plusieurs années. Les rapports officiels révèlent des irrégularités dans la fixation des prix des médicaments et un manque de contrôle, ce qui affecte négativement la capacité des citoyens à accéder aux médicaments essentiels. Ces écarts de prix importants soulignent le besoin urgent de réformes dans le secteur pharmaceutique afin de garantir la transparence et l’équité dans l’accès aux médicaments.