La stratégie nationale marocaine de lutte contre la corruption a été lancée depuis près de dix ans mais les résultats enregistrés restent en contradiction flagrante avec les objectifs affichés. En effet, le pays a reculé dans la majorité des indicateurs relatifs à la lutte contre la corruption pour lesquels le Maroc avait initialement manifesté sa volonté de progresser.
À cet égard, l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption a mis en exergue l’insuffisance de l’engagement du gouvernement vis-à-vis de ses recommandations, la faible remontée de signalements de cas de corruption, ainsi que l’irrégularité des réunions du Comité national de lutte contre la corruption, qui ne s’est réuni que deux fois en dix ans.
Mohamed Bachir Rachdi, président de l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption, a souligné lors de la présentation du rapport annuel de l’institution pour l’année 2023, ce mardi 8 octobre, que le Maroc n’a gagné qu’un seul point en vingt ans dans les indicateurs de lutte contre la corruption. En parallèle, il a enregistré des régressions sur trois indicateurs et des résultats défavorables sur trois autres, alors qu’il s’était fixé l’objectif de progresser dans l’ensemble de ces domaines.
Rachdi a déploré que la situation du Maroc en matière de lutte contre la corruption soit insatisfaisante, invitant à une réflexion approfondie sur les raisons de cet échec, en dépit de l’existence de plans gouvernementaux et d’une stratégie nationale lancée il y a une décennie, ainsi que d’un arsenal législatif important. L’instance qu’il dirige s’attèle ainsi à évaluer les politiques publiques, notamment la stratégie nationale en la matière.
Dans son discours, Rachdi a également fourni des éléments de réponse implicites aux questions sur les raisons de ce recul, malgré les déclarations officielles affichant une volonté résolue de combattre la corruption. Il a particulièrement pointé du doigt le fait que le Comité national de lutte contre la corruption ne se soit réuni que deux fois en dix ans, alors que la loi prévoit qu’il se réunisse deux fois par an. Il a aussi évoqué les retards dans la tenue de cette réunion au cours de l’année écoulée, après l’entrée en vigueur de la loi régissant son instance, sans pour autant en divulguer les raisons exactes.
Face à ce constat alarmant, Rachdi a reconnu que, bien que certaines avancées aient été réalisées, elles demeurent insuffisantes pour produire un changement notable. Il a par ailleurs reproché au gouvernement de ne pas avoir pris en compte la question de la corruption dans la vie politique et électorale dans le cadre de la stratégie nationale.
Les critiques nuancées formulées par Rachdi à l’encontre des autorités concernées ont également mis en lumière le manque de réactivité face aux recommandations de son instance, formulées dans les précédents rapports. Il a toutefois relevé un « engagement relatif » au cours de l’année écoulée, comparé aux années précédentes, ainsi qu’une « interaction positive » du gouvernement avec les recommandations antérieures, notamment en ce qui concerne les projets de loi sur la protection des lanceurs d’alerte et les conflits d’intérêts, bien que certaines « insuffisances » subsistent dans ces textes législatifs.
S’agissant de l’activité de l’instance, Rachdi a précisé que cette dernière n’a reçu que 85 plaintes et signalements au cours de l’année couverte par le rapport, dont 85 % ne répondaient pas aux critères requis ou n’entraient pas dans les compétences de l’institution. Il a donc insisté sur la nécessité d’accompagner les lanceurs d’alerte afin de leur permettre de formuler des plaintes et signalements en bonne et due forme.
En outre, Rachdi a insisté sur l’urgence d’adopter une législation adéquate pour combattre la corruption, estimant que, sans des textes législatifs appropriés, il sera difficile pour le Maroc de réduire substantiellement la corruption dans les différents secteurs.