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La rentrée politique au Maroc : des mesures fortes sont attendues

La rentrée politique de cette année se déroule dans un contexte particulier et déterminant pour l’avenir de notre pays. C’est de la réponse qu’on apportera aux différentes problématiques que dépendra cet avenir à la fois proche et lointain. Une chose est sûre : les recettes d’antan ne sont plus de mise et les promesses dans l’air sont à bannir à jamais.

La réalité de notre pays s’est dévoilée au grand jour. Cela a commencé avec les marches de protestation organisées tout au long de la période estivale dans plusieurs villes et communes du pays comme ce fut le cas à Azilal, Taounat…Ces mouvements relativement limités se présentaient comme un avertissement et un signal que quelque chose de grandiose allait se passer si rien ne sera fait. Soucieux et attentif aux doléances de Son Peuple, le Roi a apporté une réponse sage et des pistes de solution dans Son Discours du trône du 29 juillet dernier en écartant un Maroc à deux vitesses et en invitant le gouvernent, et particulièrement le Ministère de l’Intérieur « à l’élaboration d’une nouvelle génération de programmes de développement territorial fondés sur la valorisation des spécificités locales, la consolidation de la régionalisation avancée et le principe de complémentarité et de solidarité entre les entités territoriales. »

Marcher sur les deux jambes.
Mais le problème n’est pas seulement d’ordre économique et d’une mauvaise allocation des ressources « rares » qui saute à l’œil, mais il est aussi, et fondamentalement, d’ordre politique et de mauvaise gouvernance. C’est cette dimension qui a mobilisé le plus la jeunesse marocaine se réclamant de « génération Z. 212 ». Outre les revendications portant sur une bonne éducation, une santé au bénéfice de tous les citoyens, un emploi décent, la question de la corruption et de la reddition des comptes a été centrale dans les revendications de cette jeunesse.

Bien sûr, ce mouvement bienvenu de jeunes, né à travers les réseaux sociaux, en marge des schémas classiques que nous avons connu jusqu’à présent, n’est pas propre au Maroc. Un certain nombre de pays de par le monde et particulièrement en Asie, sont passés par là. Ils ont même abouti à la dissolution des gouvernements en place. S’il y a un certain nombre de points communs à ces dynamiques sociétales, force est de constater que chaque pays a ses spécificités historiques et culturelles. Visiblement, les « Genzadiens » de chez nous ont bien saisi cette spécificité.

Du monde virtuel au monde réel.
Maintenant que ces braves jeunes, animés par un patriotisme sincère et un engagement citoyen exemplaire, ont transmis le message et créé effectivement l’évènement de la rentrée, doivent quitter le monde virtuel et l’anonymat pour travailler sur le terrain comme ils viennent de commencer à le faire. Ils auront plus de poids, soit en créant leur propre structure selon les lois en vigueur (tout en continuant à militer pour leur amélioration), soit en intégrant les structures déjà existantes en fonction de leur choix.

Il faut, cependant, saluer leur esprit d’imagination et de créativité en mettant en place un modèle de fonctionnement basé sur la « démocratie directe » et une structure horizontale où tout le monde est égal et où la notion de chef est totalement absente. Toutefois, si ce « mode opératoire » est en parfaite adéquation dans un monde virtuel et un nombre relativement limité de participants, il ne peut être retenu comme modèle de gouverner dans la pratique.

Du moins jusqu’à preuve du contraire.
Dans tous les cas, ce mouvement de jeunes, auquel nous souhaitons beaucoup de courage et de persévérance pour ne pas s’essouffler, doit laisser des traces comme ce fut le cas du Mouvement du 20 février qui a abouti à une nouvelle constitution ayant mis le pays sur les rails de la démocratie, même si le train a dérayé. Par conséquent, le pays doit saisir ce moment propice pour passer à une étape supérieure de son développement. Nous avons une chance inouïe d’avoir cette jeunesse laborieuse prête à contribuer au processus d’édification nationale. C’est elle qui sera aux commandes dans un proche avenir. Il faut lui donner les chances de faire son apprentissage. D’abord, en lui assurant un enseignement de qualité. Ensuite en lui garantissant un emploi décent dans lequel elle s’épanouira davantage en mettant ses talents et ses compétences au bénéfice du développement du pays. Enfin, il faut mette en place une égalité des chances à l’accès aux responsabilités.

Réhabiliter le politique.
In fine, le problème est fondamentalement politique. Il porte un seul nom : la démocratie. Mais attention, ce terme ne se réduit pas à une opération purement « votative ». Car, ne l’oublions pas, une bonne partie des maux que nous vivons aujourd’hui revient à la mascarade électorale de 2021 ayant donné lieu à un parlement boiteux et un gouvernement affairiste.

Durant ces quatre années, nous n’avons enregistré que des reculs sur le plan démocratique et des entorses flagrantes de la Constitution de 2011 telles que l’impunité, le conflit d’intérêts, les faveurs injustes et injustifiées, la propagation de la corruption et de la prévarication à tous les stades de la vie…Même les réalisations économiques dont pourrait s’enorgueillir le gouvernement actuel sont diluées dans ce vaste océan d’injustices et de privations. Les équilibres macroéconomiques, indispensables certes, n’ont de sens que couplés aux équilibres sociaux.

Le pays doit marcher sur ses deux jambes : l’économique et le social doivent aller de pair. Un taux de croissance quel qu’il soit n’a aucune importance si les fruits de cette croissance sont accaparés par une poignée de profiteurs. Cette économie de l’accaparement et ce capitalisme prédateur doivent absolument cesser. C’est la voie vers l’instauration de la confiance dans les instituions du pays et la réhabilitation du politique. Que tous les acteurs en tirent les leçons qui s’imposent, qu’ils procèdent à leur perestroïka. Avant qu’il ne soit trop tard !!