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La sieste : 20 minutes pour se régénérer

Dormir après le déjeuner : un rêve… impensable pour la plupart des “actifs”. Dommage, car les spécialistes ne cessent de vanter les mérites de cette pause : la sieste accélère la mémoire et libère la créativité.

Etre la proie du sommeil, Mireille, 36 ans, adore. « J’aime cette torpeur qui précède la sieste. Je perçois les rayons du soleil à travers la vitre, je prends une couverture et là, je sens mon corps absorbé par la chaleur. Je l’écoute, je le laisse aller. Quelquefois, je passe surtout du temps à m’endormir. Mais c’est du temps volé que j’aime voir s’écouler… »
Depuis la fin des années 1990, le psychologue Bill Anthony, directeur du Centre de réhabilitation psychiatrique à l’université américaine Harvard, étudie les bienfaits de cette coupure antistress. Elle favoriserait la mémorisation et, par une remise à neuf du cerveau, permettrait d’assimiler de nouvelles données. D’autres études avancent que, grâce à ces vingt minutes de repos, les performances intellectuelles augmenteraient de 20 % ! Et ses fervents défenseurs soulignent qu’elle libère la créativité, au vu de la liste des génies qui l’ont adoptée : Isaac Newton, Archimède, Victor Hugo, André Gide… De quelle façon ? Mystère ! Aux yeux des scientifiques, ses mécanismes restent encore mal connus.

Une faiblesse inéluctable

La sieste (du latin sexta, ou sixième heure du jour) désigne un temps de repos pris après le repas de midi. Selon Michel Tiberge, neurologue au Centre du sommeil de Toulouse, « l’être humain est génétiquement programmé pour avoir tendance à s’endormir vers 14-15 heures ». A cette heure clé, l’attention baisse, les paupières clignent, la tête chancelle. Certains piqueront du nez, d’autres ne se souviendront pas de ce qu’ils viennent de lire, mais cette petite faiblesse, même si on ne la perçoit pas consciemment, est inéluctable.

« Ce moment correspond d’ailleurs à un pic des accidents de la route », met en garde Anne-Marie Malabre, biologiste au Palais de la découverte et commissaire de l’exposition « Le sommeil, un art de vivre ». « Mais si cet état dépend de notre horloge circadienne (sur vingt-quatre heures), il n’est lié à aucun phénomène physiologique tels que ceux que l’on enregistre avant l’endormissement du soir, comme la baisse de température du corps. » Même si un repas trop riche, une dépense physique ou l’effet de la chaleur déstabilisent l’organisme et peuvent accentuer ce coup de barre.

Aimer la sieste, un signe de maturité

« Des médecins avancent que cette hypovigilance serait un reliquat du sommeil polyphasique du nourrisson », explique encore la biologiste. En effet, le bébé dort par épisodes, de jour comme de nuit. Au fil des mois, les phases du sommeil diurne diminuent, mais celle du début d’après-midi (la sieste !) est la dernière à disparaître, entre l’âge de 4 et 6 ans.

Lutter contre la somnolence à grand renfort de café ? C’est aller contre la nature, le cerveau réitérera son signal plus tard. « L’être humain possède des “portes de sommeil” de une à deux minutes toutes les une heure et demie à deux heures. C’est un rythme archaïque qui remonte à nos origines », souligne Michel Tiberge. En effet, pour ne pas s’exposer à ses prédateurs, l’homme préhistorique dormait peu mais souvent. Plus récemment, Léonard de Vinci pratiquait à sa façon le sommeil polyphasique : un quart d’heure toutes les deux heures… comme le font aujourd’hui les navigateurs de course en solitaire. Mais qui dit sieste ne dit pas nécessairement dormir, l’essentiel est d’arriver à se régénérer. Assis la tête sur le bureau ou allongé dans l’herbe, avec les volets clos ou taquiné par le soleil, peu importe.
A défaut de pouvoir suivre le rythme athlétique d’un Léonard de Vinci, l’idéal est de s’accorder un repos de vingt à trente minutes vers 14 heures. Excéder cette durée, qui correspond aux deux premiers stades « légers » du sommeil lent, c’est entamer un cycle de quatre-vingt-dix minutes et amputer les chances d’une nuit réparatrice. Et s’assoupir vers 17 heures risque de retarder l’endormissement du soir. C’est aussi pour cette raison que la sieste est déconseillée aux insomniaques, qui ont intérêt à se fatiguer le jour pour dormir la nuit. Quant au réveil dans les vapes, il signifie que l’on était déjà entré en sommeil profond. Cette sieste « royale » serait donc à bannir, sauf pour récupérer d’une nuit blanche, d’un décalage horaire ou de toute autre dette de sommeil.

Mais quand on est un gros dormeur, se contenter de vingt minutes relève de l’exploit. Ainsi, lorsque Anna, 40 ans, se couche le week-end après le déjeuner, elle tombe dans les bras de Morphée pour deux heures : « Un drame ! Et je fais des nuits de dix heures ! Dormir, c’est un vrai plaisir, devenu un besoin. » Si la quantité de sommeil qui nous est nécessaire se transmet au gré des générations, faire la sieste reste un penchant individuel, que l’on soit homme ou femme, méridional ou nordique. Cette bienheureuse parenthèse qui nous accorde de retrouver notre corps pour mieux le quitter le temps d’un petit somme serait par ailleurs un signe de maturité, selon Lucille Garma, neuropsychiatre à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. « On devient adulte quand on aime faire la sieste. Enfant, on nous y obligeait. Et à l’adolescence, on préfère se coucher tard et se lever tard. » Toutefois, en abuser peut, au contraire, signaler une régression, comme celle du dépressif qui enfouit ses angoisses sous l’oreiller pour les faire taire.

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