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Le changement climatique pourrait-il compromettre le pari de croissance économique ?

De l’épuisement des aquifères souterrains au déclin des pêcheries naturelles, le changement climatique touche une grande variété de secteurs, et il n’est pas si évident que les écosystèmes puissent rebondir chaque année à partir de ces effets ou si ces turbulences ont des impacts permanents et cumulatifs. Radioscopie du coût économique du changement climatique.

Les événements extrêmes qu’engendre ce changement climatique tels que les sécheresses, les incendies, les vagues de chaleur, les tempêtes, les inondations et l’élévation du niveau de la mer sont susceptibles de causer des dommages économiques à long terme en raison de leur impact sur la santé, la productivité de plusieurs secteurs, et les coûts élevés de la relance économique après les événements climatiques.

D’ailleurs, la Banque mondiale estime que le coût économique du changement climatique au Maroc s’élève à plus de 575 millions de dollars chaque année.

Les impacts météorologiques et climatiques extrêmes au Maroc compromettent, d’année en année, les gains et les progrès futurs en termes de développement et de croissance économique, estime la Banque Mondiale dans son rapport intitulé « Donner aux villes marocaines les moyens de s’adapter et de prospérer face aux catastrophes ».

Selon l’institution financière, les villes marocaines, qui contribuent à plus de 75 % du produit intérieur brut (PIB) national, sont de plus en plus vulnérables aux aléas naturels et climatiques, et les événements météorologiques extrêmes devraient s’aggraver au cours des prochaines décennies en raison des impacts du changement climatique.

Changement climatique : talon d’Achille du développement urbain Les risques économiques donnent l’impulsion et le contexte de l’action politique. Une stratégie à faible émission de carbone par les gouvernements pourrait atténuer les effets du changement climatique et réduire les niveaux de pollution dans les grandes villes. Une voie déjà entamée par le Maroc.

Le gouvernement marocain a, en effet, pris des mesures décisives pour renforcer la gestion des risques de catastrophes et le renforcement de l’adaptabilité des villes au changement climatique.

Dans ce sens, Walid Chahti, expert en énergies renouvelables et transition énergétique, a indiqué qu’un nouveau modèle d’aménagement conciliant développement, bien-être et résilience doit être adopté.

« La renaturation des milieux urbains et la restauration des corridors écologiques (trames verte et bleue) sont nécessaires pour lutter contre l’érosion de la biodiversité et contribuent à l’atténuation des îlots de chaleur », a-t-il relevé, dans une déclaration à la MAP, appelant à la mise en place d’une politique énergétique nationale qui vise l’adoption des nouvelles technologies à faible émission de gaz à effet de serre.

Le changement climatique présente une gamme de risques qui devraient impacter négativement le développement urbain au Maroc. Il s’agit principalement des risques pour la stabilité financière, des pertes et dommages matériels et des coûts d’infrastructure et de service.

Face à cette montée des risques climatiques, l’expert suggère que le recours aux solutions fondées sur la nature en ville, le développement des mobilités actives et décartonnées et l’intégration de toutes les réflexions de transition écologique sur l’aménagement urbain deviennent indispensables.

« C’est donc un véritable changement de paradigme pour s’offrir une ville résiliente capable de s’adapter pour mieux résister aux aléas qui l’affectent et garantir ainsi la sécurité, la santé et le bien-être », a-t-il fait valoir.

Finance durable : Une course à gagner

Sans aucun doute, une politique financière adaptée aux enjeux climatiques peut contribuer fortement aux efforts d’atténuation. Il existe, rappelons-le, un large consensus scientifique sur le fait que cette atténuation passe obligatoirement par la transition vers une économie à faible émission de carbone.

Parallèlement, alors que les politiques climatiques prennent le devant de la scène, nous assistons, d’ores et déjà, à des débats sur les coûts financiers de telles politiques.

Dans son rapport sur le climat et le développement, publié en novembre 2022, la Banque mondiale, chiffre à près de 78 milliards de dollars le montant global des investissements pour la réalisation de la stratégie bas carbone et le renforcement de la résilience du Maroc à l’horizon 2050.

Quoique cette somme se traduise par une part pesante du PIB national, l’éléphant flagrant dans la salle demeure le coût du changement climatique, et les bénéfices long-terme d’une économie durable devraient raisonner plus fort que les idées séculaires opposant l’environnement à l’économie.

Tel que souligné par la Banque mondiale, « Investir maintenant dans l’action climatique procurera d’importants bénéfices au Maroc, en permettant de créer de nouveaux emplois, de redynamiser les zones rurales et de transformer le pays en un pôle industriel vert tout en l’aidant à atteindre plus largement ses objectifs de développement ».

À ce propos, M. Walid Chahti a affirmé qu’en dépit du coût des installations solaires qui reste encore élevé, les progrès technologiques auront, sans aucun doute, un impact positif et qualifieront de compétitive cette noble source d’énergie, et que le soleil reste le meilleur moyen d’alimenter les endroits les plus isolés et les plus inaccessibles au réseau.

Au-delà des étiquettes de prix trompeuses qui accompagnent souvent les politiques climatiques mises en place, un autre mantra séculaire mérite d’être corrigé : la réglementation environnementale paralysera l’économie.

La finance durable et les politiques climatiques sont susceptibles d’améliorer l’environnement d’affaires au Maroc, faisant du pays un environnement attractif pour les investissements directs étrangers (IDE) et un hub d’exportations, stimulant ainsi la croissance et la prospérité.

Certes, certaines formes d’énergie à faible émission de carbone, comme l’hydrogène, sont encore coûteuses dans de nombreux pays, mais les politiques climatiques soutenant les technologies émergentes, l’efficacité énergétique et la réduction des émissions peuvent s’avérer rentables à long terme, ceci permet de produire une énergie moins chère tout en diminuant les impacts climatiques et en produisant des co-bénéfices, tels que la limitation des pollutions atmosphériques et des impacts sanitaires.

Pour M. Chahti, la politique énergétique du gouvernement s’avérera plus fructueuse si elle incitera d’une part, la grande masse de la population à participer à la transition énergétique à travers un certain nombre de mesures telles que des subventions pour l’installation de panneaux solaires ou des crédits à des taux encourageants et la mise en application des lois relatives à l’injection du surplus de l’énergie stockée… Et d’autre part, les petites et moyennes entreprises œuvrant dans le photovoltaïque à s’investir davantage dans l’étude, l’installation et aussi dans l’innovation.

Cela nécessite, selon l’expert, la réduction du taux d’imposition à l’impôt sur le revenu (IR) et une baisse sur la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afin de favoriser la relance de certaines entreprises en difficulté.

Par le biais de réductions potentielles de la productivité de plusieurs secteurs et d’augmentations des coûts d’infrastructure et de services, le climat continuera d’avoir un effet énorme sur notre économie. La durabilité est le mot clé de cette équation : les banques, les investisseurs, les gestionnaires d’actifs sont appelés à concevoir et mettre à jour des approches de gestion de risques climatiques et à intégrer les questions environnementales, sociales et de gouvernance dans les décisions commerciales et d’investissement afin de répondre au besoin d’une économie future plus verte.

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