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Ainsi parlait Mohamed Bensaïd Aït Idder, témoignage engagé sur un siècle de notre histoire

Les mémoires du résistant et homme politique de gauche Mohamed Bensaïd Aït Idder, « Hakada takallama Mohamed Bensaïd » (Ainsi parlait Mohamed Bensaïd), ont été officiellement présentés vendredi à la bibliothèque nationale. Un événement marqué par l’émotion et une grande affluence d’amis, d’historiens et d’hommes politiques venus célébrer ce livre – témoignage sur l’histoire du Maroc.

A 93 ans, Ait Idder revient, ainsi, en détails sur les principales étapes de sa vie. Né dans une famille de commerçants du Souss, Ait Idder a fait ses études à Marrakech sous la tutelle du grand Alim El Mokhtar Soussi, avant de s’engager dans la lutte pour l’indépendance au sein de l’armée de libération. Opposant farouche à Hassan II, il est condamné à mort et choisi de s’exiler en Algérie puis en France.

Dans les années quatre vingt, Ait Idder rentre au Maroc après la reconnaissance, par le pouvoir, de son Organisation de l’action démocratique populaire (OADP), et la normalisation de la vie politique nationale. Elu au Parlement au nom de l’OADP, il va s’illustrer en soulevant, le premier, la question du bagne de Tazmamart, l’une des pages marquantes des années de plomb. Il sera, par la suite, l’un des fondateur de Parti socialiste Unifié (PSU).

Pour Mohamed Sassi, professeur de droit et leader du PSU, Ait Idder a écrit ses mémoires « en étant libéré » des contraintes et des réserves que s’imposent beaucoup de politiciens dans leurs témoignages. Critiquant une version officielle de l’histoire nationale qui tend à marginaliser les partis politiques et leurs leaders, Mohamed Sassi estime que les mémoires de Ait Idder permettent de mettre en relief « les occasions ratés » de notre histoire. Il en cite plusieurs: la mauvaise gestion du dossier du Sahara, « le coup d’Etat blanc » contre le gouvernement Abdellah Ibrahim, l’échec de la première alternance.. Mais « L’important, dit – il, est que les futures générations ne répètent pas les mêmes erreurs ».

L’historien Abdelmajid Kadouri a souligné, de son coté, la grande importance de ce témoignage historique qui regorge de détails sur la société marocaine et ses modes de vie au début du siècle dernier, et sur le parcours de l’auteur. Un livre qui jette, également, la lumière sur plusieurs étapes encore méconnus comme l’opération militaire Ecouvillon menée conjointement par la France et l’Espagne contre l’Armée de libération marocaine au Sahara en 1958. Faisant une comparaison remarquée entre les mémoires de Ait Idder et celles Mahjoubi Aherdane, le leader du Mouvement Populaire, l’historien estime que ceux de Ahardane « ne font parti de l’histoire mais constituent un document pour le travail de l’historien ».

Bien en forme, malgré l’émotion et quelques trous de mémoires, Ait Idder a lu, à l’occasion, un texte écrit dans lequel, il est revenu, lui aussi, sur « les occasions ratées par les élites politiques »: Qu’il s’agisse des négociations avec la France qui ont abouti à « une indépendance incomplète », de la « Constitution octroyée » en 1962, ou bien encore de « l’avortement de la Koutla démocratique », qui n’a pas réussi à obtenir une bonne réforme politique lors de ses négociations avec le défunt roi Hassan II.

Se tournant vers l’avenir et s’adressant aux jeunes, Ait Idder a appelé à « construire la confiance entre l’Etat et la société » et à instaurer « un climat de détente pour éviter à la nation tout bouleversement qui menacerait la société et l’Etat » », et invité les jeunes à participer à la vie politique. Il a, par ailleurs, appelé à « une réconciliation des hommes honnêtes entre le Maroc et l’Algérie (…) pour que le Sahara soit un pont de liaison et non de séparation».

Deux autres tomes de ces Mémoires sont en cours de préparation par le Centre d’Etudes et de Recherches M. Bensaïd Aït Idder. Ils seront publiés dans les prochains mois.

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