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Fuite de Carlos Ghosn : deux « barbouzes » américains impliqués ?

C’est dans une caisse capitonnée servant à transporter des instruments de musique que Carlos Ghosn aurait fui le Japon dimanche soir. Qui l’a mis dedans? Samedi, le ministre turc de la Justice, Abdülhamit Gül, a affirmé sur CNN Türk que « deux étrangers (étaient) impliqués dans le transit ».

Si le manifeste de vol du jet privé Bombardier Global Express immatriculé TC-TSR ne mentionne pas le nom de l’ex-patron de Nissan, y figurent les noms de deux Américains, dont un ancien militaire, selon le Wall Street journal (WSJ).

Michael Taylor et George-Antoine Zayek ont très officiellement pris l’avion parti d’Osaka pour Istanbul dans la nuit de dimanche à lundi en présentant leurs papiers d’identité. Le second semble issu d’une famille de chrétiens maronites, libanais donc, et aurait travaillé pour la société du premier, grâce à ses compétences dans les opérations de sûreté et de renseignement.

Car Michael L.Taylor est aussi le nom d’une figure connue des réseaux américains. Né en 1960 à Staten Island, élevé par un beau-père militaire de carrière, cet homme a servi pendant quatre ans au sein des forces spéciales américaines.

Des opérations dangereuses et discrètes

Après l’intervention militaire d’Israël au Liban, en 1982, il est envoyé à Beyrouth comme formateur des forces spéciales libanaises. C’est là qu’il rencontre sa future femme, Lamia, qu’il épouse en 1985 et avec qui il aura trois garçons. Au moment de la première Guerre du Golfe, en 1991, Taylor, devenu réserviste, n’est pas appelé car il est infiltré par les Américains au sein d’une opération de démantèlement d’un trafic de haschisch dans la vallée de la Beeka, au Liban.

Avec son savoir-faire et sa carte de visite d’ancien béret vert, Taylor fonde en 1994 l’American International Security Corp (AISC), une entreprise spécialisée dans « la réduction des menaces, l’évaluation de la vulnérabilité, la protection, le maintien en vie et la logistique », selon la présentation qu’en fait, sur LinkedIn, un ancien agent devenu associé.

Sa société coopère avec les services américains, travaille pour de grandes compagnies comme ABC et Delta Airlines, tandis que Taylor, capable de mener des opérations aussi dangereuses que discrètes, œuvre aussi à « récupérer » des enfants enlevés par un parent dans son pays d’origine.

C’est dans le cadre de l’une de ces opérations dangereuses qu’il surgit dans les dossiers du New York Times : en 2008, il propose d’aller récupérer en Afghanistan le journaliste d’investigation David Rohde, deux fois récompensé du prix Pulitzer, qui a été enlevé par les talibans. Son épouse racontera dans un livre qu’il proposait de ne pas verser de rançon, et que sa méthodologie semblait « éclair ». Rohde s’évadera finalement avant que l’extraction n’ait lieu.

Les deux hommes injoignables

L’Afghanistan causera la chute, relative, de Taylor. En septembre 2012, l’ancien para est interpellé dans l’Utah et placé en détention pendant douze mois. Il est suspecté d’avoir bénéficié des informations d’un ancien militaire américain lui permettant de décrocher un contrat de 900 000 $, cinq ans plus tôt, pour des missions de formation aux commandos afghans. Le contrat initial est prolongé et élargi à plusieurs reprises, au point de rapporter à sa firme 54 M$, selon des articles de presse de l’Utah de l’époque. Mais la moitié de ce montant était illicite.

Taylor plaide d’abord non-coupable et attend. Après douze mois de prison préventive, il signe un accord reconnaissant qu’il a versé des pots-de-vin pour décrocher les contrats. Le procureur de l’Utah met fin aux poursuites. De même, l’Etat lui restitue 2,1 des 5,3 millions saisis sur les comptes de l’AISC. Taylor sort de prison fin novembre 2013. Dans la foulée, l’AISC est dissoute. Mais il semble qu’il ait continué à travailler au sein de l’International Security Assistance Groupe (ISAG).

Un certain George Zayek a lui aussi travaillé pour l’AISC de 2009 à 2012 en Afghanistan, puis pour l’ISAG, si l’on en croit ses deux profils sur des sites de « networking », AngelList et Bayt. Il y est présenté comme « security manager » basé à Beyrouth mais opérant aussi en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Égypte et au Nigeria. Parlant couramment l’arabe, le français, l’anglais et l’italien, il avance sa « grande expérience de leadership du programme PSD qui a directement conduit au succès des objectifs de sécurité nationale des États-Unis en Afghanistan et en Irak ». De 2012 à 2015, il aurait supervisé la sécurité d’une « grande entreprise de construction internationale » à Nadjaf, en Irak. La rubrique compétences mentionne « guerre, armes, terrains hostiles ».

Zayek et Taylor, qui n’ont pas pu être joints par le WSJ, l’épouse du dernier répondant qu’il était à l’étranger, étaient dimanche soir les seuls passagers enregistrés sur le vol qui a transporté Ghosn de l’aéroport international du Kansaï, près d’Osaka (Japon), à l’aéroport Atatürk d’Istanbul. Les deux hommes se seraient ensuite rendus au nouvel aéroport international de la ville, pour prendre un vol commercial à destination de Beyrouth.

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