Divers، Slider

Rachel Muyal, une juive marocaine à Tanger .. Les mémoires de la propriétaire des «Colonnes»

Décédée à l’âge de 87 ans, l’intellectuelle marocaine de confession juive Rachel Muyal, propriétaire de la célèbre bibliothèque «Les Colonnes» de Tanger, avait publié, quelques mois avant sa disparition, un livre de mémoire qui se lit d’un trait, retraçant le parcours d’une vie riche dans la ville du détroit durant plus de 50 ans.

«Rachel Muyal, la mémoire d’une Tangéroise » (Editions la Croisée du chemin. 2019) regorge de données sur l’histoire politique, culturelle et sociale de Tanger en général et sur la communauté juive en particulier. La  famille de Rachel était l’une des plus en vue de cette communauté forte, à l’époque de sa naissance en 1933, de millier de personnes. Ses ancêtres sont des descendants des juifs chassés d’Espagne suite à l’Inquisition au 15e siècle. Ils avaient alors immigré au Maroc pour s’installer à Taza, à Fès, puis à Tanger, ce qui expliquerait que sa langue maternelle était l’espagnol, bien que le français soit essentiel dans son parcours et sa formation.

Orpheline dés l’âge de 2 ans, Rachel Muyal a été élevée par son oncle et sa tante. Elle aura une éducation stricte selon les enseignements religieux juifs dans une atmosphère moderne à une époque où Tanger avait le statut de Zone internationale contrôlée par des pays comme l’Espagne, l’Amérique, la Grande-Bretagne, ou la France.

Dans ce livre d’entretien avec « Dominic Russo », elle raconte avec humour qu’elle est née l’année même où Hitler avait pris le pouvoir. Suite à la vague de répression des Juifs en Europe et de l’invasion de l’Allemagne de la France, Rachel se rappelle comment Tanger est devenue un refuge pour des centaines de Juifs fuyant l’enfer du nazisme. La maison de sa famille et de toutes les famille juives de la ville accueilleront, alors par solidarité pendant une longue période, ces réfugiés venus chercher un abri qui durera jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Rachel évoque également les étapes de la lutte du Maroc pour son indépendance, et particulièrement les manifestations des nationalistes du parti de l’Istiqlal à Tanger, ainsi que le discours historique du roi Mohammed V en 1947. Un événement qui lui fera prendre conscience, pour la première fois, que la ville fait vraiment partie intégrante du Maroc.

Dans les années 50, le conflit arabo-israélien aura des répercussions majeures, qui conduiront à l’émigration de milliers de Juifs du Maroc vers Israël, y compris ceux de Tanger. Mais Rachel va choisir de rester par fidélité et amour au pays malgré le départ de plusieurs de ses amis. De l’avis de l’auteur, cette migration a affecté le statut économique et l’aura de la ville de Tanger qui aurait du garder, après l’indépendance, le statut de zone internationale ouverte, à l’instar de « Hong Kong » par exemple, si les choses avaient été mieux gérées selon son expression.

En 1949, une famille belge va ouvrir la bibliothèque « Les Colonnes » (en référence au Mythe d’Hercule) au cœur de Tanger sur la rue Pasteur, mais avec le temps, elle sera menacée de faillite. Et c’est Rachel Muyal qui réussira à la sauver en 1974. Avec son dynamisme, ses relations et son savoir faire, elle lui donnera une renommée et un rayonnement qui aboutirent à la classer parmi les bibliothèques internationales les plus célèbres. Durant un demi siècle, « Les Colonnes » accueillera des écrivains marocains célèbres tels que Tahar Benjelloun, Mohamed Choukry et Driss Chraibi, ainsi que des écrivains de renommé internationales qui visitaient fréquemment la ville du détroit, tels que Paul Bowles, Juan Goytisolo, Gilles Kepel et tant d’autres.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *