L’alimentation marocaine traditionnelle repose largement sur la viande rouge, les céréales et les produits laitiers. Toutefois, face aux défis du changement climatique, de la rareté de l’eau et de la volatilité des prix des denrées alimentaires, il devient plus qu’impératif d’explorer d’autres alternatives plus durable.
Le Maroc possède 3 500 km de côtes, une biodiversité marine exceptionnelle et une agriculture en plein essor. En tirant parti de ces atouts, le pays pourrait progressivement réduire sa dépendance aux viandes rouges et aux céréales au profit des légumes et des produits de la mer. Cette transition aurait des bénéfices considérables sur la santé publique, l’économie nationale et la durabilité environnementale.
Les Défis de la Dépendance aux Viandes Rouges et aux Céréales
Tout d’abord, cela aboutit à Une Consommation Excessive d’Eau et un Impact Environnemental très Élevé
- Il faut savoir que la production d’un kilogramme de bœuf nécessite 15 000 litres d’eau, contre 200 à 500 litres pour 1 kg de légumes comme les carottes ou les tomates.
- Quant à l’élevage, il contribue à environ 15% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, principalement à travers le méthane émis par les bovins et nécessite également le recours au céréales pour l’alimentation du bétail.
- La culture des céréales et l’agriculture, en général, mobilise 80% des ressources en eau agricole du Maroc, alors que le pays connaît un stress hydrique sévère, avec un niveau de disponibilité de l’eau inférieur à 600 m³ par habitant par an (contre un seuil critique de 1 000 m³).
Exemple : En Espagne, certaines régions comme l’Andalousie ont réduit la culture de céréales gourmandes en eau et favorisé la culture de fruits et légumes résistants à la sécheresse. Le Maroc pourrait s’en inspirer pour substituer une partie des cultures de blé et d’orge par des légumes et d’autres cultures et arboricultures nécessitant moins d’eau.
Une Vulnérabilité Économique Face aux Importations de Céréales
- Le Maroc importe 40% de ses besoins en céréales, exposant le pays aux fluctuations du marché mondial et aux crises géopolitiques. L’exemple avec les crises au moyen orient et l’Ukraine qui ont fait flamber les prix.
- A titre d’exemple, Le coût des importations de blé a dépassé 2 milliards de dollars en 2022, mettant une pression énorme sur la balance commerciale. Les récentes subventions de viandes rouges pour importer des bovins et des ovins alourdissent les dépenses de l’état.
Si les marocains ne peuvent se dépasser des céréales, il existe des alternatives non exploitées dans le pays. Le quinoa, une pseudo-céréale riche en protéines et peu gourmande en eau, pourrait être cultivé dans les zones arides du sud du Maroc, en alternative au blé. Certaines expériences menées à Agadir et Tiznit ont montré un bon rendement, mais son exploitation reste marginale.
Des Risques pour la Santé
- La consommation excessive de viande rouge est associée à des risques accrus de maladies cardiovasculaires, d’obésité et de cancers. Ce qui risquerait d’alourdit les dépenses de santé et mettrait les efforts du gouvernement d’élargir la couverture médicale en péril.
- Le Maroc a connu ces dernières années un taux d’obésité en hausse, avec 20% des adultes en surpoids, principalement à cause d’une alimentation déséquilibrée et basée sur la consommation de céréales.
A titre de comparaison, dans des pays comme le Japon, où la consommation de poisson et de légumes est dominante, l’espérance de vie est l’une des plus élevées au monde. Le Maroc pourrait promouvoir un modèle méditerranéen riche en poissons, légumes et huiles végétales (argan, olive).
Le Potentiel du Maroc pour une Alimentation Axée sur les Légumes et les Produits de la Mer
Une Production Légumière Dynamique
- Le Maroc produit plus de 8 millions de tonnes de légumes par an, avec des cultures phares comme la tomate, la carotte et l’aubergine entre autres.
- Grâce aux technologies modernes comme l’irrigation goutte-à-goutte, largement maîtrisée et utilisée dans le pays, la productivité agricole a considérablement augmenté.
- Le pays exporte 600 000 tonnes de tomates par an, prouvant son expertise dans la production légumière.
Cependant un grand potentiel demeure inexploité. Certaines cultures comme les algues alimentaires sont encore sous-exploitées au Maroc. Pourtant, elles offrent un fort potentiel nutritif et économique. Le Japon et la Corée du Sud les intègrent dans leur alimentation quotidienne sous forme de soupes, snacks et compléments alimentaires. Avec son littoral, le Maroc pourrait investir dans l’algoculture et introduire ces produits dans la cuisine locale et en faire également des produits à haute valeur ajoutée exportable dans le monde entier.
Une Industrie Maritime Sous-Exploitée
- Le Maroc est l’un des plus grands producteurs de poissons en Afrique, avec 1,5 million de tonnes pêchées par an.
- Malgré cela, la consommation nationale de poisson reste faible (12 kg par habitant/an), bien en dessous de la moyenne mondiale de 20 kg.
- L’aquaculture, qui représente 50% de la production mondiale de poisson, ne contribue qu’à 15% de la production marocaine.
Ce potentiel martime inexploité pourrait à terme être une locomotive économique pour le pays avec la création d’emploi qui va avec et surtout l’allègement de la balance commerciale.
- On pourrait ainsi aider à développer l’aquaculture durable pour produire du saumon, des crevettes et des moules, qui ont une forte demande à l’exportation.
- Encourager la consommation locale de sardines, maquereaux et anchois, riches en Oméga-3 et plus abordables que la viande rouge et plus bénéfique pour la santé des citoyens.
D’autres états comme la Norvège ont su bâtir profiter du potentiel de la mer. L’industrie du saumon représente un moteur économique puissant grâce à l’exportation. Le Maroc pourrait appliquer des modèles similaires pour les espèces locales comme le bar et la dorade.
Comment Éduquer et Encourager ce Changement Alimentaire ?
Les deux maîtres mots sont Sensibilisation et Éducation
- Il faudrait Lancer des campagnes médiatiques sur les bénéfices nutritionnels des légumes et poissons.
- Mettre en avant l’économie réalisée pour l’état et le citoyen. En consommant des produits locaux sains issus de la mer plutôt que de la viande importée ou des céréales subventionnées, le citoyen et l’état allègent leurs budgets et évitent des charges inutiles.
En France, par exemple, le programme « Lundi Vert » encourage les citoyens à remplacer la viande par des alternatives végétales une fois par semaine. Le Maroc pourrait adopter une initiative similaire, avec un “Jeudi de la Mer” incitant à manger du poisson.
Instaurer des Cantines Scolaires et des Cantines d’Entreprises type
- En généralisant graduellement ces pratiques, on permettrait d’introduire des repas basés sur les légumineuses, les légumes et les poissons dans les écoles et administrations.
- Ces pratiques sensibiliseraient également les enfants dès le plus jeune âge aux habitudes alimentaires durables.
Le Portugal, à titre d’exemple, a voté une loi qui impose aux cantines publiques de proposer une option végétarienne. Le Maroc pourrait obliger les cantines scolaires à inclure du poisson local au moins une fois par semaine.
Promotion de la Gastronomie Locale à Base de Produits de la Mer
- Sans bousculer, les traditions culinaires, on pourrait moderniser certaines recettes marocaines en intégrant des algues, des légumes anciens et des protéines marines.
- Encourager davantage les chefs marocains qui développent de nouvelles alternatives à la viande rouge, inspirées de la cuisine asiatique ou méditerranéenne.
On pourrait imaginer des plats tels que la pastilla au poisson, le tajine de poulpe ou la bisque de crevettes peuvent être promus dans les restaurants locaux.
Soutien aux Agriculteurs et Pêcheurs
- Trouver des alternatives afin de subventionner davantage la culture de légumes résistants à la sécheresse et l’aquaculture durable au lieu de subventionner des cultures gourmandes en ressources aquatiques.
- Introduire des lois pour réduire la TVA sur les légumes, poissons et algues alimentaires pour les rendre plus accessibles.
Le Maroc dispose de tous les atouts et les ressources nécessaires pour réussir une transition vers une alimentation plus saine et durable. En valorisant ses richesses agricoles et maritimes, le pays pourrait réduire sa dépendance aux importations, préserver ses ressources en eau et améliorer la santé publique.
Cependant, cette transition nécessite une politique ambitieuse, une sensibilisation accrue et des investissements dans l’innovation alimentaire. En adoptant cette approche, le Maroc pourrait devenir un leader régional de l’alimentation durable.