La capitale marocaine a été le théâtre, jeudi 1er mai 2025, d’imposantes manifestations ouvrières organisées par quatre grandes centrales syndicales à l’occasion de la Journée internationale du Travail. Ces manifestations se sont déroulées dans un contexte de tension sociale palpable et d’attentes grandissantes concernant la volonté gouvernementale de répondre aux revendications syndicales, notamment celles liées à l’amélioration des revenus, à la réforme des régimes de retraite et à la modification du Code du travail.
Des centaines d’adhérents et adhérentes affiliés à l’Union Marocaine du Travail, la Confédération Démocratique du Travail, l’Union Nationale du Travail au Maroc et l’Union Générale des Travailleurs ont parcouru les artères du centre-ville de Rabat. Les manifestants ont brandi des banderoles réclamant « un dialogue social véritable aux résultats tangibles », soulignant que « la fête du Travail devrait être un moment d’évaluation des acquis, non une occasion de renouveler des promesses ».
Un dialogue social au point mort
Les participants ont exprimé leur mécontentement face à la « stagnation » du dialogue social et à l’absence d’orientation gouvernementale claire pour apporter des changements substantiels aux dossiers en suspens depuis des années. Bien que le gouvernement ait récemment tenu une session de dialogue avec les syndicats, ces derniers ont qualifié la rencontre de simple « recyclage des conclusions de l’année précédente », sans nouvelles initiatives témoignant d’une réelle volonté de traiter les revendications présentées.
« Un dialogue sans résultats… de simples paroles pour la consommation », ont souligné les représentants de l’Union Marocaine du Travail, indiquant que la dernière réunion du 22 avril n’a abouti à aucun progrès effectif, se limitant à mettre en œuvre ce qui avait été convenu lors des sessions précédentes. Un syndicaliste a décrit ce processus comme « un cercle vicieux ».
Des augmentations salariales jugées insuffisantes
L’un des principaux points de friction concerne les récentes augmentations salariales qui, bien qu’accueillies favorablement, ont été jugées « insuffisantes face à la hausse vertigineuse des prix des produits de base et du coût de la vie ».
L’augmentation générale des salaires décrétée par le gouvernement l’année dernière – 1 000 dirhams mensuels pour les fonctionnaires et une hausse progressive de 10% du salaire minimum dans les secteurs agricole et non agricole – s’avère insuffisante, selon les syndicats, pour compenser l’inflation que connaît le Maroc depuis début 2024, qui affecte jusqu’aux besoins essentiels des familles marocaines.
Des revendications élargies
Les syndicats ont réclamé une augmentation supplémentaire « juste et équitable » des salaires, incluant les employés des secteurs public et privé ainsi que les retraités, qui souffrent, selon les syndicats, d’une « détérioration alarmante de leur pouvoir d’achat ».
Les manifestants ont également appelé à une révision du Code du travail dans un cadre participatif garantissant la préservation des acquis et la protection des droits des salariés, ainsi qu’à l’ouverture d’un large débat sur la réforme des régimes de retraite, mettant en garde contre toute réforme « imposée unilatéralement » qui porterait atteinte aux droits historiques des travailleurs.
Ils ont également insisté sur la nécessité d’inclure les dossiers sectoriels parmi les priorités gouvernementales, en accélérant la création d’un nouveau grade dans la fonction publique et en approuvant des statuts équitables pour plusieurs catégories, dont les employés municipaux, l’enseignement supérieur et les inspecteurs du travail.
Solidarité avec la Palestine
La cause palestinienne était fortement présente lors des manifestations ouvrières. Les manifestants ont arboré des drapeaux palestiniens et scandé des slogans dénonçant l’agression israélienne continue contre Gaza, exprimant clairement la solidarité populaire avec la résistance palestinienne, considérant que la question palestinienne demeure une cause centrale dans la conscience collective de la classe ouvrière marocaine.
Certains syndicats ont évoqué, lors de discours en marge des manifestations, la possibilité d’une escalade si le gouvernement persistait dans ce qu’ils ont qualifié de « tergiversations », soulignant que le dialogue social « n’est pas une fin en soi, mais un moyen de réaliser la justice sociale et la dignité des travailleurs ».