Politique

Jean-Marie Heydt : Le Sahara marocain, un levier économique et un symbole de souveraineté face aux idéologies séparatistes héritées de la Guerre froide

Dans une entrevue exclusive avec Al Omk Al Maghribi, l’écrivain et essayiste Jean-Marie Heydt, connu pour son livre « Le Sahara marocain, terre de lumière et d’avenir», offre une perspective engagée et documentée sur le sujet du Sahara marocain, qu’il décrit comme une « pièce retrouvée du puzzle national ».

S’appuyant sur de nombreuses rencontres menées sur le terrain, Heydt met en lumière l’attachement profond des populations sahraouies à la marocanité et insiste sur l’importance de la Baïa comme symbole d’unité et de stabilité. Il critique les idéologies séparatistes, qu’il juge anachroniques et façonnées par des logiques de guerre froide, tout en soulignant la responsabilité directe de l’Algérie dans le maintien d’un conflit qu’il juge artificiel.

Selon lui, le modèle de développement mis en œuvre dans les provinces du Sud n’est pas seulement une bouée économique, mais un véritable instrument de légitimation souveraine, qui est valable à l’échelle internationale. Il déclare avec assurance : « Le projet d’autonomie marocain n’est plus une simple suggestion. Il est devenu une base pour un consensus mondial en cours de réalisation. »

Dans cet échange, Jean-Marie Heydt partage également sa vision du rôle stratégique du Sahara en tant que passerelle commerciale vers l’Afrique de l’Ouest, et formule un appel à une solution durable, profitable à l’ensemble du Maghreb.

Al Omk Al Maghribi : Monsieur Heydt Comment vos rencontres et interactions avec les populations locales ont-elles influencé ou modifié votre perception initiale du Sahara ?

Lors de mes premières rencontres avec les populations locales, j’ignorais complètement que j’allais écrire un ouvrage relatif aux Provinces du Sud. J’ai découvert ces Régions progressivement à l’occasion de nombreuses rencontres. J’ai constaté la spécificité d’un peuple du Sud avec une culture et une histoire quelque peu différente de ce que je connaissais des autres régions du Maroc. Pour autant, cette population se reconnait et affirme avec conviction sa marocanité, son attachement à la Baïa, ce serment de loyauté au Souverain. J’y ai redécouvert combien ce symbole à haute valeur ajoutée contribue à renforcer l’unité nationale en rassemblant les différentes composantes de la société marocaine (au Maroc et dans le Monde) autour du Roi, un symbole de stabilité et de continuité. Ces particularités des Provinces du Sud sont venues me confirmer qu’il existait bien une richesse issue de la diversité culturelle marocaine. Cette dernière reflète des aspects tant historique, culturel et que cultuel, portés par le soufisme marocain (qui permet un islam modéré, tolérant et ouvert à l’altérité), mais aussi par l’influence des régions méditerranéennes, imprégnée par les philosophies Arabes et celle des Lumières Andalouses. Bien évidemment l’influence de la culture Africaine complète cette diversité d’un peuple, fondée sur des valeurs de respect mutuel, de loyauté, de fidélité et de confiance mutuelle. Le Sahara marocain représente les pièces d’un puzzle qui ont été égarées, enfin retrouvées.

Comment répondez-vous aux idéologies séparatistes qui cherchent à falsifier la vérité historique de la marocanité du Sahara ?

Il est regrettable que l’on puisse répandre une version falsifiée de la vérité historique. Les professionnels de l’Histoire savent oh combien les influences politiques d’un temps sont venues modifier les territoires. L’occident s’est partagé cette vaste étendue que représente « Le Sahara », immensité s’étendant de l’Atlantique jusqu’à la mer Rouge. Les occupants successifs y ont construit des territoires avec des frontières puis s’en sont allés. Les peuples Sahraouis sont constitués de tribus et le nomadisme y est ancestral même si certains ont opté pour un semi-nomadisme ou une vie sédentaire, citadine ou rurale. C’est pourquoi je pense que le principe idéologique des séparatistes relève d’un temps ancien, celui de la colonisation. Aujourd’hui, les peuples aspirent à vivre librement sur le territoire de leurs ancêtres. Les Sahraouis marocains ont librement choisi de vivre sur leur terre et y reconnaissent ce territoire comme relevant de la dynastie Alaouite, monarque et chef de l’État du Maroc. Tous les peuples aspirent à la paix, il devrait pouvoir en être autant pour tous les Sahraouis.

Votre livre, « Le Sahara Marocain, Terre de Lumière et d’Avenir », a-t-il suscité des réactions, officielles ou informelles, de la part d’autres parties prenantes au conflit régional, telles que le Front Polisario ou l’Algérie ?

Je n’ai pas été confronté à des réactions particulières lors de la parution de l’ouvrage. Certes, quelques individus, isolés, m’ont adressé des critiques sur les réseaux sociaux mais c’était à titre individuel et non institutionnel. Mon livre n’avait pas pour objectif de lancer un débat ou de contribuer à ce conflit artificiel. J’ai simplement proposé un regard de ce que ce territoire est devenu aujourd’hui, sans agresser personne, tout au plus en rappelant quelques points de repères.

Dans le contexte du conflit du Sahara marocain, l’Algérie affirme souvent qu’elle n’est pas une partie directe au conflit, mais plutôt un observateur ou un soutien au droit à l’autodétermination. En tant qu’expert et auteur sur le Sahara marocain, comment évaluez-vous la cohérence de cette position officielle de l’Algérie avec la réalité de ses interventions diplomatiques, politiques et logistiques dans le conflit ? Et quelles sont les implications de cette position sur les efforts visant à parvenir à une solution politique durable ?

Il est regrettable de lire ou d’entendre que l’Algérie puisse s’estimer ne pas être partie directe au différend. La création du Polisario puis du RASD n’aurait jamais été possible sans le soutien notamment de l’Algérie. Lors de mes nombreuses rencontres, j’ai pu échanger longuement avec plusieurs personnes qui ont été des membres fondateurs du Polisario. Ils ont pu m’expliquer les fondements de la démarche dès son origine, de la volonté des étudiants marocains de l’époque d’en découdre avec le colonisateur espagnol. Ils ont quitté ce mouvement à la fois parce que le colonisateur espagnol s’était retiré du territoire marocain, mais aussi parce qu’ils étaient en désaccord total avec les nouveaux dirigeants du Polisario. Pour ces anciens membres, l’offre du Maroc de recouvrer ses territoires présentait une valeur importante de paix et de stabilité pour les populations. Des propos de ces mêmes anciens membres, j’observe que de toutes leurs explications, l’Algérie était bien présentée comme un acteur important contribuant au développement du Polisario puis du RASD. Si l’Algérie avait voulu être un observateur et surtout un soutien au droit des peuples, elle se serait fixée comme priorité le bien-être d’une population. Certes je suis un utopiste, et je crois réellement qu’aujourd’hui, il n’est jamais trop tard ; une solution durable reste envisageable aux bénéfices de tous. L’Algérie peut encore privilégier l’intérêt des femmes, des enfants et des hommes sahraouis en mettant un terme au RASD, en faisant évoluer son discours aux Nations-Unies et en offrant aux sahraouis d’Algérie ce que le Maroc, mais aussi la Mauritanie, a offert à ces tribus. C’est un choix politique où tout le monde serait gagnant-gagnant et où le Maghreb pourrait redevenir une véritable puissance régionale. La main tendue de Sa Majesté le Roi du Maroc aurait-elle un écho ?

Pensez-vous que le Maroc a réussi, à travers le développement économique et social des provinces du Sud, à transformer la question du Sahara d’un simple dossier de conflit politique en un véritable modèle de diplomatie interne, susceptible de convaincre la communauté internationale de la marocanité du territoire ? Et selon vous, cette approche de développement peut-elle constituer une voie durable pour clore définitivement ce différend ?

Oui, le développement économique et social est un argument pour démontrer qu’il est possible d’offrir à un territoire une vie meilleure. L’exemple marocain a été bien plus loin dans sa proposition, car il a pris en compte la dimension culturelle et éducative. La spécificité Sahraoui quant à leur langue, leur artisanat, leur système éducatif, la place de la femme, etc. autant de particularité qui ont été prise en compte dès le début de la régionalisation avancée. Il faut rappeler, que cette réforme n’est pas un simple redécoupage territorial technique. Bien au contraire, c’est une volonté royale, clairement affichée depuis son accession au trône en 1999, visant à rechercher le niveau optimal de l’action publique qui va privilégier la prise de décision la plus proche du citoyen. Et le projet d’initiative marocaine d’autonomie pour les Provinces du Sud est devenu un véritable laboratoire pour l’autonomie. Le résultat s’est concrétisé par ce nouveau mode de gouvernance qui concerne certes aujourd’hui tout le pays mais qui s’est développé en premier dans les provinces du Sud. Il s’agit d’une approche multidimensionnelle comportant un volet économique, social, environnemental, culturel, éducatif et bien évidemment un volet de gouvernance. C’est un véritable outil de « diplomatie interne ».

Développer un grand projet comme celui-ci avec l’adhésion réelle et active de la population n’est-il pas le signe d’une reconnaissance souveraine d’un peuple pour affirmer sa marocanité ?

Comment évaluez-vous la gestion des Nations Unies des développements de la situation au Sahara, particulièrement face à l’accent mis par le Maroc sur le développement plutôt que sur le conflit ?

Les Nations-Unies ont voulu résoudre ce conflit à la façon habituelle d’autres conflits. Or, la prise en compte de la réalité du terrain, de la vie des populations, de l’importance de la culture et de la réalité historique, ont échappé aux critères d’interventions. Certes les forces d’interpositions sont nécessaires pour préserver (éviter) la montée en force des conflits (combats) ; certes, les envoyés spéciaux du secrétaire général des NU sont importants pour tenter de faire naître des solutions. Cependant, lorsqu’il semble manquer des éléments à la réflexion et que l’objectivité se trouve parfois floutée par des réalités connexes, les voies de résolutions sont plus longues pour aboutir. La proposition du Maroc aurait pu être entendue bien plutôt, car elle est et reste à ce jour la seule voie constructive pour une résolution du conflit.

Le Maroc propose l’initiative d’autonomie comme une solution réaliste et crédible. Quels sont les aspects de cette initiative qui la rendent applicable d’un point de vue international, et quels sont les défis politiques qui entravent sa pleine acceptation ?

Je suis convaincu que l’initiative marocaine d’autonomie a déjà démontré son efficacité pour le bien-être du peuple. Tous les feux sont au vert pour réussir cette solution réaliste et crédible. Plus de 117 pays soutiennent déjà le plan marocain d’autonomie et on parfaitement perçus l’importance de la démarche. Il faut rappeler que cet incroyable projet royal est forgé avec responsabilité et vision depuis 2007 ; elle se présente non seulement comme une offre de paix, mais comme le seul horizon politique réaliste pour clore ce différend artificiel. Force est de constater que l’initiative marocaine n’est plus un projet… parmi d’autres. L’initiative marocaine est devenue une référence incontournable, un socle autour duquel se cristallise un consensus mondial en devenir. Et au-delà de cette seule initiative, la volonté royale visait également, dès 2013, à repenser l’Afrique et à plaider en faveur du continent. L’Afrique est en marche et elle a besoin, pour devenir autonome, d’une nouvelle vision du monde qui soit panafricaine, en faveur d’un projet africain planétaire et civilisationnel. Et en ce sens, les territoires que constituent les Provinces du Sud jouent un rôle central pour la mise de ce projet.

Avec la multiplication des reconnaissances de la marocanité du Sahara, notamment par des pays européens, arabes et africains, quel est l’impact de ces développements sur les positions internationales restantes ? Et cela peut-il créer un nouvel élan pour une résolution ?

Je pense sérieusement à un effet boule de neige qui va démultiplier l’adhésion d’autres Etats. Ces nombreuses réalisations sont la démonstration de la capacité du Maroc à prendre en considération le bien être de sa population (résidant au pays et dans le Monde), tout en s’inscrivant dans un environnement bien plus large pour tendre la main aux pays d’Afrique. Du Sud au Nord et de l’Ouest à l’Est du monde, le Royaume du Maroc est devenu une constellation de réussite et d’admiration. Cette situation positionne désormais la Maroc comme un acteur mondial fiable qui se développe dans un environnement stable.

Quel rôle stratégique futur voyez-vous pour le Sahara marocain en tant que porte d’entrée commerciale atlantique pour les pays africains ?

La place conférée aux pays Africains, notamment ceux du Sahel et de la côte Ouest va leurs permettre d’avancer de façon remarquable en matière commerciale étant donné l’accès à l’Atlantique. De nombreux espaces territoriaux leurs ont été réservé sur le vaste site de Dakhla Atlantique et des mises à disposition de voies de communication sont prévues pour rejoindre ce site. De ce fait, ces pays pourront commercer avec le monde entier. Cela n’a pas échappé aux investisseurs européens et américains qui perçoivent une possibilité nouvelle d’ouverture commerciale considérable et vont à leur tour s’y engager.