Nous venons de vivre un mois de juillet particulièrement chargé. Il y avait d’abord la célébration du peuple marocain de la fête du trône qui a été marquée par le Discours Royal, un Discours qui fera certainement date eu égard à la richesse de son contenu envoyant des messages forts et stratégiques dont on verra sûrement l’impact dans un proche avenir.
Durant le même jour, le Wali de Bank Al Maghrib présenta devant SA Majesté, conformément à la tradition, le rapport annuel 2024 de la Banque Centrale. C’est un document de référence de par la pertinence de l’analyse et le contenu de ses orientations. Une semaine auparavant, plus précisément le 24 juillet, ce futla Ministre de l’Economie et des Finances, en application de l’article 47 de la loi organique des finances, qui présenta devant la commission parlementaire un exposé sur « l’exécution du Budget 2025, le cadre général du Projet de loi de finances et la programmation budgétaire triennale 2026-2028 ». C’est dire la richesse et l’abondance de la matière qui nous met au cœur de l’actualité et nous incite à la réflexion et au débat sur le présent et l’avenir de notre pays.
Oui, mais !
Comment se présente la situation macro-économique du pays ? Dans l’ensemble, on considère que les équilibres macro-économiques sont relativement sains. Ainsi, on s’attend à un taux de croissance de 4,5% en 2025 contre 3,8% enregistré en 2024, 3,7% en 2023 et 1,8% en 1022, donnant ainsi une moyenne annuelle de 3,45% sur la période 2022-2025. Le taux d’inflation après avoir enregistré son pic en 2022 à 6,6% (14% pour les produits alimentaires) est ramené à des niveaux acceptables : 0,9% en 2024 et 1,1% en 2025. Le déficit budgétaire baisse d’une année à l’autre pour revenir de 5,4% en 2022 à 3,8% en 2024 et 3,5% en 2025. Cette baisse ne s’explique pas uniquement, comme nous le fait savoir abusivement le gouvernement, par l’amélioration des recettes fiscales, mais aussi et surtout par le recours aux financements innovants consistant à vendre les « bijoux de la famille ». N’eut été ce mode de financement, une privatisation déguisée, le déficit budgétaire atteindrait un niveau variant entre 6 et 7%. En revanche le déficit du compte courant est situé à un niveau raisonnable enregistrant un taux de -1,2% en 2024 contre -1% en 2023 et -3,5% en 2022, pour passer de nouveau à 2,2% en 2025. Cette amélioration est due essentiellement à l’amélioration des recettes touristiques et l’augmentation des transferts des RME (Résidents Marocains à l’étranger).
- Ensemble, ces deux postes couvrent à eux seuls 75 % du déficit commercial. D’ailleurs, ce dernier demeure à un niveau élevé nonobstant les discours lénifiants sur le « made in Morocco » traduisant une dépendance structurelle de notre économie notamment en matière de biens d’équipement, de demi-produits et, paradoxalement, de produits alimentaires de base comme les céréales, le sucre, l’huile végétale. La dette du trésor connait une légère baisse qui risque de nouveau de brondir suite aux chantiers ouverts en vue d’accueillir le mondial 2030.
Où sont les équilibres sociaux ?
Quand on parle des équilibres macro-économiques, il faut nuancer le propos dans la mesure où ils restent précaires et la situation peut à tout moment se retrourner tant qu’ils ne sont pas accompagnés par des équilibres sociaux, lesquels exigent une amélioration continue du pouvoir d’achat de la population et une réduction consistante des inégalités sociales et territoriales. En insistant par trop sur ces équilibres macro-économiques, on a l’impression que le gouvernement cherche avant tout à plaire à la communauté financière internationale et aux agences de notation au lieu de s’intéresser d’abord à la satisfaction des citoyens. D’où l’importance de l’intervention Royale à l’occasion de la célébration de la fête du Trône qui a bien remis les pendules à l’heure et placé les problèmes fondamentaux du pays à leur place.
Tout en enregistrant les progrès accomplis par le Maroc dans plusieurs domaines, le Roi a mis l’accent sur la répartition inégale des fruits de la croissance : « il est regrettable de voir que certaines zones, surtout en milieu rural, endurent encore des formes de pauvreté et de précarité, du fait du manque d’infrastructures et d’équipements de base.
Cette situation ne reflète en rien Notre vision de ce que devrait être le Maroc d’aujourd’hui. Elle ne donne pas non plus la pleine mesure des efforts que nous déployons pour renforcer le développement social et réaliser la justice spatiale. De fait, il n’y a de place, ni aujourd’hui, ni demain pour un Maroc avançant à deux vitesses. » Et SM le Roi de proposer l’alternative :
« Voici venu le temps d’amorcer un véritable sursaut dans la mise à niveau globale des espaces territoriaux et dans le rattrapage des disparités sociales et spatiales ». Un canevas de mesures est décliné par Le Roi portant sur la promotion de l’emploi, le renforcement des services sociaux de base, l’adoption d’un modèle de gestion proactive et durable des ressources en eau, le lancement des projets de mise à niveau territoriale intégrée.
Le gouvernement aura sûrement du pain sur la planche. D’abord, en travaillant sur l’implémentation des Orientations Royales en vue de les intégrer dans le prochain PLF dont les hypothèses et les priorités doivent être revues et corrigées à l’aune de ces orientations royales. Le cadre général de la programmation budgétaire triennale tel qu’il a été présenté par la Ministre de l’économie et des finances est devenu ainsicaduc. Il doit être en phase avec les nouvelles exigences exprimées par SM Le Roi.
2026, une année charnière.
L’année qui nous sépare des élections législatives de septembre 2026 sera une année décisive de transition pour préparer les conditions politiques idoines d’un vrai changement : changement d’hommes (et de femmes), changement de style de gouvernance dont le Roi a décliné les grandes lignes. Dans tous les cas, le Maroc n’a plus droit au « bricolage politique » et aux solutions éphémères et de bouche– trou. L’heure est au sérieux. Le pays a besoin d’un vrai parlement qui représente réellement le peuple marocain et capable de jouer le rôle qui est le sien au niveau législatif, de contrôler le gouvernement et de défendre les intérêts du pays dans les instances internationales. Il a besoin d’ungouvernement qui place les intérêts de la Nation au-dessus de toute considération et qui soit fidèle aux orientations royales et à ses engrangements devant les citoyens.
Nous avons la chance d’avoir un Roi citoyen, proche de Son peuple, visionnaire et respecté au niveau international. A nous tous d’être à la hauteur pour permettre à notre pays de gagner les multiples défis qu’il affronte dans un monde chargé de turbulences et d’incertitudes, un monde de plus en plus fragmenté, soumis aux variations climatiques sévères, un monde mû essentiellement par les intérêts économiques. Le Maroc a des ambitions légitimes. Celles-ci lui imposent de nouvelles responsabilités tant sur le plan régional que mondial. Plus sa situation est saine sur le front intérieur, mieux il y parviendra.