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Plaidoyer pour un développement territorial, prélude à l’activation de l’ascenseur social

Dès le lendemain du Discours Royal du trône, une course contre la montre s’est engagée. C’est au département de l’Intérieur, rodé à la tâche, qu’incombe la responsabilité de mise en œuvre des Orientations Royales. D’abord, pour préparer les conditions de l’organisation des prochaines échéances électorales. A cet effet, une première réunion d’ordre méthodologique s’est tenue le 2 aout avec les partis politiques en les invitant à remettre leurs propositions au plus tard à la fin du mois. Cette réunion s’est déroulée dans une ambiance bon enfant, ce qui est de bon augure pour la suite. Ensuite, en s’attaquant à la question de développement à travers la résorption du déficit des services sociaux de base, la lutte contre les inégalités sociales et territoriales et la création des emplois productifs au bénéfice de la jeunesse.

Démocratie et développement, deux faces de la médaille.
Au fonds, les deux aspects, démocratie et développement sont liés. On pourrait même y ajouter les droits humains notamment les droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux. Ainsi, vouloir organiser des élections transparentes et honnêtes dans une société où domine la pauvreté et la précarité relève d’une chimère. Pas de démocratie sans développement. Et pas de développement sans démocratie. D’ailleurs, ce lien dialectique et organique entre les deux « D » apparait nettement dans le Discours Royal. Le pays ne peut pas avancer en laissant à la traine de larges pans de la population. Le train du progrès doit être capable d’assurer une place pour tout le monde. Condition sine qua none pour mettre fin à un « Maroc qui avance à deux vitesses ». Peu importe qu’il y ait une première classe et une deuxième classe. L’essentiel est que tout le monde arrive à la même heure ! Pour y parvenir, il faut réparer l’ascenseur social qui est en panne depuis des années.

C’est dans cet esprit que le Ministre de l’intérieur a envoyé une circulaire le 15 aout denier aux walis et gouverneurs les invitant « à engager, avec célérité et efficacité, les actions nécessaires à la réussite de ce chantier Royal et ce, en coordination avec les acteurs locaux concernés. ». Il s’agit de cibler des projets générateurs d’impacts réels sur la population en termes de création d’emplois notamment dans les secteurs productifs, le renforcement des services sociaux de base comme l’éducation, l’accès aux soins de santé « de manière à préserver la dignité des citoyens, d’instaurer la justice spatiale, et de réduire les inégalités territoriales. », la gestion proactive et durable des ressources en eaux dans un contexte de stress hydrique et de changement climatique, et la mise à niveau territoriale intégrée, en totale résonance avec les mégaprojets actuellement en cours de réalisation à l’échelle nationale. Ce sont des priorités déjà évoquées dans le Discours Royal et rappelés dans la circulaire du Ministre.

Une approche participative et inclusive.
Les walis et gouverneurs seront aux avant-postes pour commander ces chantiers tout en veillant au lancement d’une série de concertations avec l’ensemble des acteurs concernés (élus, services déconcentrés de l’État, établissements publics, entreprises publiques, universités…) en vue de préparer ces nouveaux programmes de développement et de les sensibiliser quant à la méthodologie d’élaboration desdits programmes et les enjeux liés à leur mise en œuvre.

Au regard du contexte pré-électoral dans lequel cette opération est lancée, la circulaire a édicté un certain nombre de règles et prérequis à respecter dont notamment : la conformité des programmes avec les Orientations Royales, l’adoption d’une approche participative et inclusive, le ciblage et la priorisation des programmes sur la base d’un diagnostic précis, la priorité aux zones rurales démunies, le respect des règles de convergence et de complémentarité pour éviter les redondances et les déperditions.

« Il va sans dire que la bonne conception et mise en place de ces nouveaux programmes aboutiront assurément à l’amélioration des conditions de vie de la population, la réduction des disparités spatiales, le renforcement de l’attractivité et de la compétitivité territoriale, l’amélioration des indicateurs de développement humain et la création de l’emploi. »
Personne n’est au-dessus de la loi.

On verra les résultats au cours des prochains jours pour juger sur pièce. Le texte tel qu’il est présenté est prometteur. Il y a urgence certes, mais il n’y a pas le feu dans la demeure. Il faut surtout éviter d’improviser, ou de venir avec des projets arrêtés en catimini, ce qui vide la concertation de son intérêt, ou de s’enliser dans une réflexion purement académique et philosophique. Les dossiers à traiter sont concrets. Leur priorisation dépend de l’état de leur gravité et de leur impact immédiat sur les populations concernées.

La circulaire a bien fait de retenir la préfecture/province comme échelle d’intervention, mais au sein de chaque province, il y a des urgences à traiter au niveau communal. Quand on a des communes enregistrant un taux de pauvreté multidimensionnelle supérieur à 50%, le choix est déjà fait. La mise à niveau territoriale doit partir des dernières données du HCP basées sur le recensement de 2024. Ce qui n’exclue pas de procéder à des vérifications ou à des actualisations si nécessaire.

Par ailleurs, si la circulaire reste à un niveau général se limitant aux grands principes, ce qui est normal. Cependant, on doit définir le niveau temporel des actions à mener : est-ce la fin de 2025 ou la fin de 2026 ou l’horizon 2030 ? Une chose est certaine, la planification stratégique ne se fait pas sur le court terme. De la même manière, la circulaire invite à un diagnostic avant l’action. C’est une excellente chose, mais faire un diagnostic d’une entité territoriale pourrait nécessiter du temps et des moyens.

Aussi, il convient de jouer à fond la transparence budgétaire : annoncer le moment venu le budget alloué, sa répartition par objet d’intervention et par espace territorial, les sources de son financement et la contribution des partenaires impliqués.

La culture d’évaluation et de la reddition des comptes doit être de rigueur. Personne n’est au-dessus de la loi. A ce titre, les politiques publiques menées jusqu’à présent dont notamment le fonds du développement rural qui a bénéficié d’un budget colossal de 50 MM DH, doivent faire l’objet d’une évaluation objective et impartiale.

Pour conclure, on ne trouvera pas mieux que la conclusion de la circulaire : « L’enjeu final étant que les Hautes Directives Royales énoncées dans le Discours du Trône, soient traduites rapidement et de manière constructive, en actions concrètes et visibles sur le terrain, et que les programmes de développement territorial soient réellement mis en œuvre ».