Économie

La pression sur les prix, menace immédiate sur la prospérité actuelle et future (chef économiste du FMI)

L’intensification des pressions sur les prix demeure la menace la plus immédiate qui pèse sur la prospérité actuelle et future, a souligné le chef économiste du FMI, Pierre-Olivier Gourinchas.

Dans la plupart des pays, la hausse rapide des prix, notamment ceux des denrées alimentaires et de l’énergie, est une source de grandes difficultés pour les ménages, en particulier ceux à faible revenu, a noté M. Gourinchas lors d’une conférence de presse tenue mardi dans le cadre des Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI.

En dépit de ce ralentissement économique, les pressions inflationnistes sont plus étendues et plus persistantes que prévu, a prévenu le chef économiste du FMI.

L’économie mondiale continue d’être confrontée à des défis de taille, « subissant les effets de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, d’une crise du coût de la vie provoquée par des pressions inflationnistes qui se prolongent et s’étendent, et d’un ralentissement en Chine, » a-t-il dit.

« Nos prévisions pour la croissance mondiale cette année restent inchangées, à 3,2 %, mais celles pour l’an prochain ont été abaissées de 0,2 point de pourcentage par rapport à juillet, à 2,7 %, » selon le responsable de l’institution financière internationale.

Le ralentissement de 2023 sera généralisé, a-t-il dit, ajoutant que des pays représentant environ un tiers de l’économie mondiale devrait enregistrer une contraction de leur activité économique cette année ou l’année prochaine.

« La croissance dans les trois plus grandes puissances économiques, les États-Unis, la Chine et la zone euro, restera au point mort. »

« De façon générale, les chocs de cette année vont rouvrir les blessures dont souffrait l’économie, qui ne s’étaient que partiellement cicatrisées après la pandémie, » a estimé le responsable du FMI.

Aux États-Unis, le resserrement des conditions monétaires et financières ralentira la croissance à 1 % l’an prochain.

« Nous avons abaissé nos prévisions de croissance pour la Chine l’an prochain à 4,4 % en raison de l’affaiblissement du secteur immobilier et du maintien des confinements, » a souligné M. Gourinchas.

Le ralentissement le plus marqué interviendra dans la zone euro, qui continuera d’être ébranlée par la crise énergétique liée à la guerre et devrait voir sa croissance se replier à 0,5 % en 2023.

D’après les dernières prévisions du FMI, l’inflation mondiale devrait culminer à 9,5 % cette année avant de redescendre à 4,1 % d’ici à 2024. Elle s’étend aussi au-delà des denrées alimentaires et de l’énergie. À l’échelle mondiale, l’inflation sous-jacente a vu son taux mensuel annualisé grimper de 4,2 % à fin 2021 à 6,7 % en juillet pour le pays médian.

Les conditions financières mondiales pourraient se détériorer et le dollar pourrait continuer de s’apprécier si des turbulences venaient à surgir sur les marchés financiers, incitant les investisseurs à privilégier des valeurs refuges.

« Un tel scénario pourrait accentuer considérablement les pressions inflationnistes et les fragilités financières dans le reste du monde, en particulier dans les pays émergents et les pays en développement, » a-t-il dit.

L’inflation pourrait, une fois encore, s’installer plus durablement, à plus forte raison si les marchés du travail restent extrêmement tendus.

S’agissant du resserrement de la politique monétaire par les banques centrales, M. Gourinchas a souligné que formuler la politique budgétaire qui s’impose pour faire face à la crise du coût de la vie est devenu un redoutable défi.

« Premièrement, la politique budgétaire ne doit pas contrecarrer les efforts des autorités monétaires pour juguler l’inflation. Autrement, elle ne ferait qu’entretenir l’inflation et provoquerait une grave instabilité financière, comme les événements récents l’ont montré, » a-t-il expliqué.

Deuxièmement, la crise énergétique, en particulier en Europe, n’est pas un choc transitoire, a ajouté Gourinchas, notant que le réajustement géopolitique de l’approvisionnement énergétique à la suite de la guerre est à la fois vaste et permanent.

« L’hiver 2022 sera difficile, mais il y a lieu de s’attendre à ce que l’hiver 2023 soit pire. »

Les signaux donnés par les prix sont essentiels pour réduire la demande d’énergie et stimuler l’offre, a affirmé le responsable du FMI, ajoutant que des mesures telles que la réglementation des prix, les subventions non ciblées ou les interdictions d’exporter sont coûteuses sur le plan budgétaire et se traduisent par une demande excédentaire, une offre insuffisante, une mauvaise allocation des ressources, et un rationnement.

« Elles sont rarement efficaces. Au contraire, la politique budgétaire doit viser à protéger les plus vulnérables à l’aide de transferts ciblés et temporaires, » a-t-il insisté.

Troisièmement, la politique budgétaire peut aider les pays à s’adapter à une conjoncture plus instable en investissant dans la capacité de production : le capital humain, la transformation numérique, l’énergie verte et la diversification des chaînes d’approvisionnement, a ajouté le chef économiste de l’institution de Bretton Woods.

S’agissant de la vigueur du dollar, il a noté que même si c’est par rapport aux monnaies des pays avancés qu’il enregistre son appréciation la plus prononcée, le dollar est aujourd’hui à son plus haut niveau depuis le début des années 2000.

« Jusqu’à présent, cette hausse semble résulter essentiellement de forces fondamentales telles que le resserrement de la politique monétaire aux États-Unis et la crise énergétique, » a-t-il expliqué.

Dans la plupart des pays émergents et des pays en développement, la riposte adéquate consiste à calibrer la politique monétaire de façon à maintenir la stabilité des prix, tout en laissant les taux de change s’adapter, en conservant des réserves de change qui seraient précieuses si la situation financière s’aggravait réellement, a indiqué M. Gourinchas.

Trop de pays à faible revenu sont en situation de surendettement ou s’en rapprochent et il est urgent d’aider les pays les plus touchés à bénéficier d’une restructuration ordonnée de leur dette au titre du cadre commun du Groupe des Vingt pour éviter une vague de crises de la dette souveraine, avant qu’il ne soit trop tard, a-t-il estimé.

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