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Relations sino-américaines : Blinken réussira-t-il un dégel ?

Beijing et Washington ont annoncé mercredi que le Secrétaire d’État américain, Antony Blinken, se rendra ce weekend à Beijing pour une visite très attendue mais qui ne suscite pas, de l’avis des analystes, trop d’espoir d’un réchauffement des relations entre les deux puissances. Blinken, dont la visite a été annoncée sans grande pompe de part et d’autre, sera le premier haut responsable américain à se rendre en Chine depuis cinq ans. Une situation qui traduit la tension qui n’a pas cessé d’augmenter entre les deux pays sur plusieurs fronts.

Les derniers mois ont été ponctués par des tentatives de renouer les contacts entre les deux pays sans pour autant marquer une quelconque avancée tangible vers un réchauffement. Le chef du département d’État devait se rendre à Beijing plus tôt cette année pour assurer le suivi de la rencontre qui s’était tenue en novembre 2022 entre le président chinois, Xi Jinping, et son homologue américain, Joe Biden, à Bali, en Indonésie, en marge du sommet du G-20. Cependant, le déplacement a été repoussé suite à l’affaire du ballon chinois qui a traversé l’espace aérien américain en février dernier. En mai dernier, Wang Yi, plus haut conseiller diplomatique du président chinois, a rencontré à Vienne Jake Sullivan, conseiller américain à la sécurité nationale. Aucune mesure concrète n’a été prise lors de cette rencontre. Cependant, les médias officiels de la Chine ont qualifié de « francs, approfondis, substantiels et constructifs » les échanges qui ont duré pendant deux jours entre les deux hommes. Colum Murphy, analyste politique, relève que la marge de manœuvre de Blinken demeure « restreinte » pour réussir une percée dans les relations entre les deux pays, citant notamment l’approche des élections présidentielles prévues l’année prochaine aux Etats-Unis. Les deux parties reconnaissent la difficulté de la tâche dans une conjoncture internationale enveloppée par l’incertitude, note l’analyste, concédant que les dirigeants chinois et américains « savent qu’ils doivent agir rapidement pour contenir la tension ».

De nombreux défis et questions sont en jeu. Sur le flanc économique, la guerre commerciale entre les deux puissances bat son plein sur fond d’une féroce concurrence qui s’intensifie en particulier en ce qui concerne la technologie des semi-conducteurs et le contrôle des chaînes industrielle et de distribution. Sur le plan géostratégique, les deux géants sont dans un face à face périlleux dans le détroit de Taiwan et au sujet d’alliances militaires et stratégiques qui se tissent dans la très stratégique zone indopacifique. L’année dernière, la Chine a organisé des exercices militaires au large de Taiwan en réaction à la visite effectuée à Taipei par la présidente de la chambre des représentants US, Nancy Pelosi. La situation a conduit à la suspension du dialogue militaire entre les deux pays. Au début du mois en cours, les ministres de la défense des deux pays ont eu l’occasion de se rencontrer à Singapore à l’occasion de la 20è édition du Dialogue Shangri-La, un forum de haut niveau qui se tient chaque année sur les questions sécuritaires et de défense. Cependant, le conclave n’a rien donné au niveau du dialogue bilatéral entre les deux plus grandes armées de la planète, même si les déclarations des responsables des deux pays laissent entendre une disposition à maintenir les canaux de communication ouverts. Par ailleurs, la question de Taiwan a été mise en relief lors d’un entretien téléphonique mercredi entre le ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, et le chef de la diplomatie américaine. Lors de cet entretien, M. Qin a fait état du « déclin » des relations sino-américaines depuis le début de l’année tout en appelant à une gestion efficace des différends pour stabiliser les relations bilatérales et à les ramener sur la voie « d’un développement sain et régulier ». Dans ses appels à « une gestion nouvelle » des relations sino-américaines, Beijing insiste sur des principes qui demeurent « fondateurs » à son avis, à savoir le respect mutuel, la coexistence pacifique et la coopération gagnant-gagnant. En dépit de la tension qui monte, les analystes écartent une confrontation directe entre les deux rivaux, soulignant que les deux pays finiront par parvenir à un modus vivendi dans un monde en mutation.

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