Le PLF 2026 : un budget en convalescence

Le PLF 2026 qui vient d’être présenté devant le parlement revêt un intérêt particulier. D’abord, il est le dernier du gouvernement actuel qui va rendre probablement les clés en septembre prochain. Ensuite, il vient après deux discours royaux, porteurs de messages forts, prononcés à deux occasions significatives : celle de la célébration de la fête du trône (29 juillet) et celle de l’ouverture parlementaire (10 octobre). Enfin, il intervient dans un contexte de malaise social aggravé par une révolte de la jeunesse qui voit son avenir assombri et ses horizons limités.
C’est par rapport à ces données que le projet de loi de finances doit être scruté et lu, sans céder à la facilité en se bornant à faire le culte des chiffres. Autrement dit, il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.
Discutons d’abord chiffres en essayant de clarifier ce qu’ils montrent et surtout de dévoiler ce qu’ils cachent. Précisons que la loi de finances se compose de trois parties : le budget général, les Comptes Spéciaux du Trésor et les SEGMA (Services de l’Etat gérés de manière autonome). C’est le BG, et accessoirement les CST, qui sont les plus importants.
Les charges du PLF 2026 s’élèvent à 761,3 MM DH et les ressources sont estimées à 712,5 MMDH. Elles sont réparties comme suit : 421, 3 MM DH pour le BG ; 166,23 MM DH pour les CST et 123 MM DH proviennent des emprunts à moyen et long terme.
Un budget injuste.
Le budget général de l’Etat se compose de dépenses de fonctionnement (payer les fonctionnaires et couvrir les frais de l’administration), des dépenses d’investissement (construire les écoles, les hôpitaux et l’infrastructure en général) et rembourser les intérêts dus aux emprunts contractés. Les dépenses de fonctionnement et les remboursements des dettes sont des dépenses incompressibles, contrairement aux dépenses d’investissement qui dépendent généralement de ce qui reste « dans la caisse de l’Etat » et de ses capacités à recourir à l’emprunt soit sur le marché national soit sur le marché international.
Pour financer ses dépenses, l’Etat a recours aux recettes fiscales (impôts directs et indirects) et non fiscales (produit des monopoles comme l’OCP, Bank Al Maghrib ..) et en cas de besoin, il vend une partie de son patrimoine et emprunte le reliquat selon les conditions du marché.
Les chiffres du PLF 2026, montrent que 40% des recettes du budget proviennent des impôts directs à savoir l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, 44% proviennent des impôts indirects (TVA, droits de douane, Taxe intérieure de consommation). Un budget est considéré juste lorsqu’il est financé principalement par l’impôt direct et plus particulièrement par les détenteurs des hauts revenus et les catégories riches de la société. Sur ce plan, malgré quelques ajustements positifs introduits au cours des dernières années à la suite de l’élargissement de l’assiette fiscale et de la réforme fiscale boiteuse imposée par la majorité actuelle, le budget du pays demeure foncièrement injuste et inéquitable. Au lieu de jouer son rôle de redistributeur des revenus et de réducteur des inégalités, il contribue plus à amplifier les injustices et à aggraver les inégalités. Il suffit de voir comment on impose les classes moyennes pour subventionner les gros propriétaires fonciers et le grand capital national et international à travers des cadeaux fiscaux et des subventions d’équipement.
Une administration gourmande.
Quant aux dépenses du budget, estimées à 527,6 MM DH, elles sont ventilées comme suit : les dépenses de fonctionnement, absorbent 347, 5 MM DH, soit 65,8% du budget, les dépenses d’investissement représentent le quart avec 136,1 MM DH et les intérêts de la dette publique représentent le reste avec 44 MM, soit 8,4%. Ces chiffres appellent les remarques suivantes : une bonne partie des montants inscrits dans les dépenses de fonctionnement sont constituées par les dépenses de matériel et de fonctionnement de l’administration qui absorbent 93,67 MM DH, contre 80 MM DH en 2025, soit une augmentation de 16,77%. Cette évolution est en contradiction avec les exhortations du Chef du Gouvernement dans la lettre de cadrage adressée aux Ministres les invitant à réduire au maximum le train de vie de l’Etat en se limitant à l’essentiel et en faisant preuve de sobriété. C’est tout le contraire qui s’est produit. Les habitudes, et surtout les mauvaises, ont la tête dure !
Pour ce qui est du budget de l’équipement, bien qu’il apparaisse suffisant sur le papier, dans la réalité, les choses se passent autrement. D’abord, comme c’est déjà indiqué, une somme non négligeable, soit 44 MM DH représentant le tiers du budget de l’investissement, est consommée sous forme de subventions aux entreprises. C’est une dépense de l’argent public dont on fait rarement l’évaluation. D’ailleurs, ce flou est à peine voilé dans les documents accompagnant le texte du PLF, et plus précisément dans la note de présentation.
Le tonneau des Danaïdes.
Bien que les responsables aient déployé toute leur gymnastique intellectuelle pour nous présenter un budget en bonne santé, en réalité, nous sommes en face d’un budget en « convalescence lente ». Ainsi, pour la première fois, on se retrouve avec un solde courant positif (la différence entre les recettes courantes et les dépenses courantes) de 50 MM DH. C’est peu, mais c’est un signe positif à consolider à travers notamment une vraie réforme fiscale et une intégration intelligente du secteur informel sur laquelle le gouvernement tergiverse.
De même, la question de la dette publique reste posée et réduit les marges de manœuvre de l’Etat. Ainsi, on emprunte essentiellement pour s’acquitter du service de la dette venue à échéance. Dans le passé, on était à somme nulle en versant d’une main ce que nous recevons d’une autre. C’est en quelque sorte le tonneau des Danaïdes. Ainsi, sur les 123 MM DH prévus au titre de l’emprunt pour l’année 2026, 108 MM seront utilisés au remboursement de la dette venue à échéance. Le net est de 15 MM DH ! C’est le cycle infernal de l’endettement. On doit se réjouir tout de même qu’on ne prête pas de l’argent pour payer les fonctionnaires. Des aspects positifs, il y en a bien sûr. Ils seront abordés avec le même esprit dans un prochain article.
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