Comme nous l’avions mentionné dans notre dernière chronique « les thèses de juillet », le cadre général de préparation du Projet de loi de finances devrait s’adapter aux nouvelles priorités et orientations royales annoncées dans le Discours du trône. C’est désormais chose faite. La note de cadrage du PLF 2026, publiée le 8 aout diffère fondamentalement des précédentes.
Une différence de forme et de fond.
Sur la forme, on relèvera une donnée fondamentale pleine de signification et peut être lue et interprétée de différentes manières. En effet, dans les notes précédentes, le terme « gouvernement » et la référence au « programme gouvernemental » se trouvent au niveau de tous les paragraphes : le gouvernement prévoit ceci, le gouvernement annonce cela, le gouvernement s’engage à … Dans l’actuelle note de cadrage, nulle référence au programme gouvernemental qui appartient désormais au passé et nulle référence au gouvernement à l’exception d’une seule fois en page 8 probablement par erreur ! A la place du « gouvernement », on utilise les termes Royaume, Administration, Etat, tout en se référant aux Discours Royaux et notamment au dernier Discours du trône. On n’en dira pas plus, laissant le soin aux constitutionnalistes et aux analystes politiques, friands à ce genre de questions, d’analyser, d’interpréter et de tirer les enseignements qui s’imposent.
Les gouvernements passent, l’Etat reste.
Sur le fonds, le ton est donné dès le premier paragraphe. On décèle un changement de méthode et une inflexion des priorités. Ainsi, il est question de l’équilibre entre la réalisation de la croissance économique et la justice sociale et l’adéquation des ambitions aux moyens.
Le texte est construit non sur une base conjoncturelle mais sur la base d’une dynamique de long terme enclenchée dès l’accession de SM Le Roi au trône. Il ne s’agit pas de faire l’éloge, voire l’apologie, d’une période quadriennale pour exhiber les réalisations d’un gouvernement en « fin de service », mais de tracer une trajectoire d’évolution du pays transcendant différentes législatures. C’est pour signifier, à qui voudrait bien le comprendre, que les gouvernements passent mais la Nation et ses fondamentaux restent.
Par conséquent, 2026 ne saurait uniquement être vue comme une année électorale, mais aussi et surtout, comme cela a été bien souligné dans la note de cadrage, un « point de mutation stratégique ». Et c’est par rapport à cette donnée que le PLF 2026 est préparé. Avec ou sans élections ! D’où « l’effacement » du gouvernement pour ne pas lui donner l’occasion de tirer la couverture de son côté afin de s’approprier des réalisations qui ne sont pas les siennes en vue de les traduire en dividendes électoraux en plus de dividendes stricto sensu.
La grande transformation !
L’année 2026 pose les jalons d’une nouvelle étape : celle de l’accélération de la transformation économique du pays, au sens de Karl Polanyi dans son ouvrage « la Grande Transformation ». Cette nouvelle étape nécessite « croissance économique, développement social, justice territoriale et souveraineté stratégique » outre le renforcement de la place de notre pays sur l’échiquier mondial comme force économique émergente. De cet objectif, découlent quatre priorités :
-Le renforcement des acquis économiques pour relever la place de notre pays parmi les Etats émergents ;
-La mise à niveau globale des espaces territoriaux et le rattrapage des inégalités sociales et territoriales selon une approche de développement territorial intégré ;
-La poursuite de la consécration des piliers de l’Etat social ;
-la poursuite des réformes structurelles et la préservation des équilibres des finances publiques.
Ces quatre priorités sont déclinées successivement sous forme de mesures à mettre en œuvre dans le prochain PLF et au-delà. Elles se complètent et forment une unité indissociable. Sans développement économique intégré, pas de développement social. A contrario, sans développement social et amélioration du niveau de vie de la population, la croissance économique ne sert pas à grand-chose sinon à enrichir une poignée de profiteurs.
Aussi, la préservation des équilibres macro-économiques et en premier lieu des équilibres des finances publiques détermine dans une large mesure notre souveraineté et donne à notre pays suffisamment de liberté d’action tout en bénéficiant de la confiance de nos partenaires à l’international comme pays crédible et sérieux. Compter d’abord sur nos propres moyens est la meilleure façon de sauvegarder notre souveraineté. A chaque fois que la « Maison Maroc » est saine et propre, le pays devient attractif.
Tout en poursuivant l’équipement du pays pour accueillir dans de meilleurs conditions les rendez-vous sportifs continentaux et mondiaux, l’effort ne se relâchera pas sur le plan social et l’inclusivité des territoires. Des sommes consistantes sont prévues pour mener à bon port le chantier Royal de la généralisation de la protection sociale, pour améliorer la qualité de l’éducation et formation en prévoyant une hausse de 12 % du budget alloué au secteur, en donnant la priorité aux territoires défavorisés, en créant des programmes de formation régionaux en relation avec le marché de travail local…Les détails, on les retrouvera dans le prochain PLF.
Accélérer le rythme des réformes.
La transformation économique nécessite, cela va de soi, la poursuite des réformes structurelles : l’intégration du secteur informel doit dépasser le niveau de déclaration d’intention et passer à l’acte ; la poursuite de la réforme du portefeuille public et sa rationalisation avance mais à un rythme lent ; la réforme du code de la famille est en stand-by pour des raisons inavouées et incompréhensibles.
Il est temps de libérer ce dossier dont les retombées sont incommensurables à la fois sur la société marocaine et sur l’image du pays à l’international ; d’une façon générale, le pays doit accélérer le rythme du travail y compris sur le plan de la production législative. Il doit revoir son rapport au temps et régler son horloge de telle sorte à être en phase avec ses engagements et ne pas rater des rendez-vous stratégiques et déterminants avec l’Histoire.
En définitive, nous avons toutes les raisons d’afficher notre optimisme quant à l’avenir de notre pays. A condition toutefois que tous les Marocains se mobilisent pour réaliser ensemble ce dessein collectif : un Maroc réellement démocratique, respectueux des droits fondamentaux, prospère où il fait beau de vivre pour tous !