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Adieu Mohamed Bensaïd Aït Idder

Ancien résistant et l’un des figures politiques emblématiques du nationalisme marocain, Mohamed Bensaïd Aït Idder est largement connu par son engagement en tant que militant de gauche qui a marqué un long parcours infatigable s’étendant sur trois royautés. Pendant ce parcours de lutte, de fidélité et de construction démocratique du pays, il est pris pour une mémoire vivante des évènements qui ont jalonné l’indépendance, ainsi que la démocratisation du Maroc.

Dans les années cinquante du siècle dernier, il avait rejoint les rangs de l’armée de libération notamment dans le sud marocain où il était l’un de ceux qui ont joué le dénouement désespéré de la scène de théâtre de la résistance armée en histoire marocaine contemporaine. Certes, le pays est devenu indépendant, mais la guerre n’est pas finie. Dans ce sens, Bensaïd Aït Idder faisait partie de ceux qui ont refusé catégoriquement de déposer, de lâcher et de laisser tomber leur arme tant que le chemin de la libération n’était pas encore achevé. Il a toujours estimé que le port de l’arme est un choix inévitable pour que le Maroc recouvre son indépendance nationale. Il a donc participé en toute force à la direction et la formation des cellules de l’armée de libération, tout en recrutant des combattants, supervisant leurs entrainements, devenant ainsi par la suite le responsable politique du sud de cette armée.

Il a été arrêté à l’époque coloniale, puis à nouveau après l’indépendance en raison de son opposition radicale au régime d’Hassan II, avant de s’enfuir en exil en Algérie puis en France. Aux côtés de plusieurs militants-cadres, dont Mohamed Basri et Abderrahmane el Yousfi, il a été condamné à mort par contumace pour sa prétendue participation à ce qui est devenu connu sous le nom de « complot de juillet 1963 ».

Même en exil, il est resté fortement engagé. Depuis la France, il se joint au mouvement marxiste-léniniste du 23 Mars créé en 1970. Grâce à son éducation islamique, il représentait donc une sorte de continuité entre l’ancien mouvement national et la gauche révolutionnaire. Ces années d’exil ont été longues. Lorsqu’il était de retour au Maroc en 1981, c’est avec des militants socio-démocrates qu’il fonde l’organisation de l’action démocratique populaire, OADP en 1983, dont il est devenu le leader, vivant sous le nom de ce nouveau parti 23 ans de vie amplement particulière de parlementaire.

Malgré qu’il ait accordé son entrée dans le jeu politique institutionnel, il est resté toujours fidèle à son opposition et à ses convictions qui n’ont jamais été effacées pendant les langues années d’exil. Le parcours politique de Mohamed Bensaïd Aït Idder au Parlement est marqué par son engagement auprès des détenus de Tazmamart. Il interrogeait le pouvoir sur le sort des prisonniers politiques captivés dans cette prison secrète de Tazmamart même en présence d’Hassan II, lorsque ce dernier lui envoyait le ministre de l’intérieur pour lui échapper de poser la question.

Certains le surnomment « l’opposant des trois rois », car il a contesté toutes leurs constitutions et continue de défendre la monarchie parlementaire, refusant de baiser la main d’Hassan II à deux reprises. A cette époque, il a contribué à fonder le bloc démocratique, refusant aussi ensuite de rejoindre le premier gouvernement d’alternance dirigé par son camarade de route Abderrahmane el Yousfi. Même si quelques-uns des dirigeants de l’OADP ont choisi de quitter le parti afin de participer à ce gouvernement d’alternance, il retravaillait à nouveau pour unifier les courants de gauche fondant le parti socialiste unifié PSU en 2005, dont il est devenu son secrétaire général honorifique.

Son long parcours en a fait un symbole politique marocain incontournable, jonglant entre la lutte armée et les discours parlementaires, entre le travail clandestin visant à renverser le régime et le travail légal réformiste qui prônait le changement dans les limites du possible. Sa mort demeure la disparition du dernier nationaliste marocain et d’un homme de gauche sans pareil, ainsi qu’une grande perte pour la scène politique marocaine, voire magrébine. Adieu Mohamed Bensaïd Aït Idder !

Zakaria Tlemçani : membre du conseil national du parti socialiste unifié PSU

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