Politique

Critiques sévères contre le nouveau projet de loi modifiant la procédure pénale : Un retour en arrière dénoncé par les experts

Le gouvernement a approuvé, lors de la réunion du Conseil de gouvernement de ce jeudi, le projet de loi n° 03/23 modifiant et complétant la loi n° 22/01 relative à la procédure pénale, en tenant compte des observations soulevées, présenté par le ministre de la Justice.

Cependant, ce projet de loi a fait l’objet de critiques de la part d’observateurs et d’experts qui estiment qu’il s’agit d’un recul, n’apportant aucune innovation significative. Ils soulignent par ailleurs sa similitude avec le projet présenté par l’ancien ministre de la Justice, Mustapha Ramid, en 2014.

Dans une déclaration au journal « Al Oamk fr », Mourad Zibouh, avocat au barreau d’Oujda et spécialiste en droit pénal, a indiqué que le projet actuel, présenté par le ministre de la Justice, ne diffère en rien de celui proposé par Mustapha Ramid en 2014, retracté par la suite, à l’exception de quelques nouveautés visant à inciter les condamnés à payer leurs amendes en échange de réductions.

Zibouh a ajouté que cette initiative vise à fournir des recettes importantes au Trésor et à prévenir des dépenses supplémentaires si la procédure de contrainte par corps était appliquée aux condamnés. Il a également mentionné que ce même objectif avait incité le ministère à envisager une réduction de la durée des peines en raison de la bonne conduite des détenus, à hauteur d’un mois par an.

Il a poursuivi en expliquant qu’en dehors de cet aspect financier, ce projet ne présente aucune nouveauté. Au contraire, le projet représente un recul par rapport aux acquis du projet précédent, imprégné de l’esprit de la Constitution de 2011 et du discours historique du 9 mars. Le recul le plus notable est la restriction de la présence de l’avocat aux côtés des suspects lors de l’enquête préliminaire en matière criminelle et délictuelle, conformément à l’article 67-3 du précédent projet, qui a été retiré, la limitant à une présence symbolique.

Il a également souligné que, relativement à l’audition des mineurs ou des personnes handicapées, prévue à l’article 316 du code de procédure pénale, par les officiers de police judiciaire, après autorisation du parquet compétent, il ne s’agit pas d’un nouveau projet de procédure pénale, mais d’un simple projet remanié et adapté aux exigences actuelles, loin des pressions qui ont entouré l’élaboration de la Constitution de 2011.

« Dans l’attente de la publication du projet, nous espérons qu’il répondra aux véritables lacunes de la justice pénale, notamment en ce qui concerne la phase cruciale de l’enquête préliminaire. Des aveux non signés par la personne interrogée peuvent suffire à la condamner, même si elle nie ces déclarations devant le procureur, le juge d’instruction et le tribunal, dès lors que le procès-verbal mentionne qu’elle a refusé de signer après avoir raconté tous les détails de son crime », a-t-il ajouté.

Zibouh a précisé qu’une déclaration d’un accusé dans un procès-verbal de la police judiciaire, affirmant qu’une personne lui a vendu de la drogue ou a participé avec lui à un crime, peut suffire à sa condamnation. Même son déni n’aura aucun impact, car la procédure pénale actuelle accorde une importance capitale aux procès-verbaux, non pas parce qu’ils ne peuvent contenir des contre-vérités, mais parce qu’ils sont moins coûteux financièrement et ne nécessitent pas un budget important pour les enquêtes criminelles dans le cadre de la politique pénale du gouvernement.

Il a ajouté : « Nous assistons à la manière dont les laboratoires criminels avancés réexaminent les preuves et parviennent à corriger les erreurs judiciaires, libérant ainsi des personnes condamnées à tort dans des affaires criminelles après avoir purgé vingt ou trente ans de prison ».

L’avocat et expert en droit pénal a insisté sur le fait qu' »il n’existe pas de réforme sans coût financier. Avant de réformer la procédure pénale, il est impératif de savoir si le gouvernement a alloué des fonds aux centres de recherche criminelle et aux laboratoires. À ce jour, nous ne disposons que d’un ou deux centres au niveau central ».

Il a également relevé que de nombreuses victimes n’ont toujours pas reçu les résultats d’empreintes digitales, alors que le monde d’aujourd’hui analyse l’ADN, les empreintes de la peau, des dents, des oreilles, et même de l’œil. Il a précisé que parmi les empreintes immatérielles ou invisibles, on trouve l’empreinte vocale, olfactive, cérébrale, et psychologique.

Zibouh a conclu en affirmant : « En l’absence d’un budget spécial permettant de garantir la dignité humaine par une justice véritablement équitable, la suppression de la présence de l’avocat lors de l’enquête préliminaire est motivée par la crainte que le procès-verbal perde son rôle central dans la résolution des procès criminels, même si le juge des délits, malgré son pouvoir discrétionnaire, est tenu de motiver son jugement en se basant sur un procès-verbal dont il est impossible de prouver le contraire, sauf en intentant une action en faux, ce qui est presque impossible »

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