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Aperçu sur la compétitivité et la complémentarité économique des énergies à bas carbone : l’option nucléaire pour la production d’électricité et le dessalement de l’eau de mer

L’énergie nucléaire est une source sûre et économique de production d’électricité, combinant les avantages de la sûreté, de la sécurité, de la fiabilité, de la quasi-absence d’émissions de gaz à effet de serre et de la compétitivité des coûts avec des facteurs de capacité atteignant plus de 90 %, comme c’est le cas aux États-Unis d’Amérique.

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) relevant de l’OCDE prévoit une croissance de la demande mondiale d’électricité de 1,9 % par an d’ici 2040. Compte tenu de cet environnement de demande, associé à la volonté de réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant de la production d’électricité, l’AIE prévoit aussi une croissance de la production nucléaire annualisée de 2,3 % sur cette période. Par ailleurs, le nucléaire rivalise bien avec les technologies de production concurrentes, comme l’indiquent les évaluations de l’Agence de l’énergie nucléaire (AEN) et de l’AIE, bien que le niveau de compétitivité varie à différents taux d’actualisation et entre les pays (voir figure n°1). Sur le marché central chinois, par exemple, le nucléaire a un coût nivelé de production d’électricité (LCOE) inférieur à celui de toute autre technologie, à l’exception de l’hydroélectricité.

Compte tenu de l’ambition nationale du nouveau modèle de développement (NMD), l’adoption de l’option nucléaire au Maroc permettrait d’assurer les objectifs visant l’amélioration de la qualité d’autres industries, l’indépendance énergétique, la responsabilisation vis-à-vis de la protection de l’environnement, le dessalement de l’eau de mer, la création de valeur technologique, scientifique et du capital immatériel. En effet, à long terme, la demande nationale en électricité et en eau ainsi que les contraintes liées à la préservation de l’environnement et à la lutte contre les changements climatiques pèseront significativement sur le développement socio-économique du Royaume du Maroc, notamment en raison de leur rôle primordial pour de nombreux secteurs d’activité.
L’électronucléaire se positionne comme une « option durable » à considérer sérieusement au-delà de 2030. Cette option constituerait un nouveau moteur de développement et de croissance à long terme en raison du dynamisme qu’elle créerait à travers la formation de clusters d’entreprises industrielles et de services favorisés par l’abondance d’énergie (production d’électricité) et d’eau (dessalement de l’eau de mer).

DESSALEMENT DE L’EAU DE MER PAR L’OPTION NUCLEAIRE

A l’instar du secteur de l’électricité, la problématique de l’approvisionnement en eau est stratégique pour le Royaume du Maroc en raison du rôle clé de cette ressource vitale pour de nombreux secteurs socio-économiques tels que l’alimentation en eau potable, l’irrigation en agriculture, l’industrie, etc.
Selon les statistiques du département de l’eau, le Royaume du Maroc connaitra un déficit hydrique de l’ordre de 1 Milliard de m3 par an à partir de 2030. Dans ce cadre, le plan national de l’eau 2020-2050 prévoit une feuille de route pour affronter les défis des 30 années à venir et encourage les solutions de dessalement de l’eau de mer et de recyclage de l’eau usée pour lesquelles la technologie nucléaire s’avère prometteuse en termes de coûts et d’efficacité et pour laquelle des études ont été entamées au Maroc au milieu des années 1990.
A l’échelle internationale, voici des exemples intéressants de pays utilisant des d’installations pour dessaler l’eau de mer par voie nucléaire : Inde, Japon et Kazakhstan. D’autres pays s’intéressent à l’utilisation future de l’énergie nucléaire pour le dessalement de l’eau de mer.

PETITS ET MOYENS REACTEURS MODULAIRES ‘SMR’

Les SMR se caractérisent par une capacité électrique inférieure à 300 MWe et des conceptions permettant une construction modulaire. Ces dernières années, il y a eu un regain d’intérêt pour les SMR à la lumière des économies d’échelle limitées réalisées pour les grands réacteurs. Les SMR promettent une construction et une livraison plus rapides (trois à six ans ) avec des économies en série qui pourraient compenser leurs coûts d’investissement plus élevés par KWe et ainsi fournir des coûts actualisés inférieurs de 20 à 40 pour cent à ceux des centrales actuelles de grande taille.

FINANCEMENT DE L’ENERGIE NUCLEAIRE

Conçues pour un fonctionnement de près d’un siècle, les centrales nucléaires de grande taille (plus de 1000 MWe) nécessitent de grands investissements en infrastructures. Les projets de centrales nucléaires se caractérisent par des coûts d’investissement initiaux élevés et de longues périodes de construction (huit à dix ans pour les centrales nucléaires de grande taille, et seulement de trois à six ans pour les SMR), mais avec des coûts d’exploitation faibles et stables. Selon les informations publiées par l’AEN qui relève de l’OCDE, les coûts d’investissement enregistrés au cours des dernières décennies pour les nouvelles installations nucléaires sont les suivants (les coûts en Chine sont moins élevés ; ils ne sont pas inclus dans le tableau car la Chine n’est pas membre de l’OCDE).

Figure n° 1 : Estimations des coûts de construction pour un nouveau réacteur nucléaire, US $/kWe

COMPLEMENTARITE DU NUCLEAIRE AVEC LES ENERGIES RENOUVELABLES DANS LE MIX ENERGETIQUE POUR LE FUTUR

Pour lutter contre le changement climatique et assurer son développement, le Royaume du Maroc, à l’instar de plusieurs pays, pourrait adopter un mix énergétique où le nucléaire serait combiné, comme source d’énergie de base, aux énergies renouvelables, comme c’est le cas en :
• Allemagne, où le mix électrique est dominé par les énergies fossiles (51 %), les énergies renouvelables (33 %) et le nucléaire (12 % mais pourrait augmenter significativement dans le futur).
• France, où le nucléaire est ultra-dominant (75 %) mais où, par grand froid, de l’électricité est importée d’autres pays.
• Suisse, où le mix électrique est dominé par l’électricité hydraulique des barrages (59 %) et le nucléaire (33 %). Le reste est produit par des énergies renouvelables (5 %) et la combustion de charbon, de pétrole et de gaz (3 %).

Par ailleurs, pour limiter les effets dus au changement climatique, le défi sera immense dans les trente à quarante années à venir car 80 % de l’électricité mondiale devrait être à bas carbone (contre 32 % aujourd’hui).
En même temps, la demande d’électricité mondiale est appelée à doubler, comme c’est le cas pour le Royaume du Maroc, sous les effets conjugués de l’accroissement de la population et de l’essor économique des pays émergents.
Pour mettre toutes les chances de son côté, l’humanité devra utiliser toutes les technologies à bas carbone : énergies renouvelables, énergie nucléaire, stockage de l’énergie, et captage et stockage du CO2 (CSC)…
Les principaux scénarios mondiaux de décarbonation, dans la ligne de la COP 21, font jouer un rôle complémentaire aux énergies renouvelables et au nucléaire dans les performances à atteindre par le système électrique mondial.

Enfin, les décideurs politiques pourraient prendre des mesures pour garantir la contribution de l’industrie nucléaire à un monde décarboné pour 2050 et pour assurer une indépendance énergétique, d’une part, et fournir une source d’énergie

compétitive pour le dessalement de l’eau de mer pour l’eau potable et l’eau d’irrigation des produits agricoles, d’autre part.

Dr. Khammar MRABIT
Ex-Directeur Général de l’Agence Marocaine de Sûreté et de Sécurité Nucléaires et Radiologiques (AMSSNuR) Ex-Directeur de la Sécurité Nucléaire au sein de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) Président du PAM (Parti Authenticité et Modernité) à la Chambre des Conseillers

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