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Comment stimuler l’intérêt des jeunes pour les sciences: Trois questions à un physicien marocain

Le professeur de physique à la Faculté des sciences de Rabat (UM5) et professeur affilié à l’Institut de physique appliqué de Benguerir (UM6P), Yahya Tayalati, également associé au Laboratoire européen pour la physique des particules à Genève, met l’accent, dans un entretien accordé à la MAP, sur la nécessité de stimuler l’intérêt des jeunes générations pour les sciences et les technologies, mais aussi sur l’enjeu de ces disciplines. Le natif de Jerada, fraîchement nommé membre de l’Académie Africaine des Sciences (AAS), une société savante dont le rôle est de promouvoir la recherche scientifique en Afrique, esquisse également le rôle des sciences et technologies dans la société, tout en évoquant son domaine de recherche et la participation des scientifiques marocains à des projets de dimension internationale.

1. Comment peut-on stimuler l’intérêt des jeunes à la recherche scientifique ? Nous sommes très sensibles à cette question et nous pensons qu’il est crucial de sensibiliser les jeunes au rôle de la science et de la technologie dans notre société, de les attirer aux carrières scientifiques et technologiques. L’enjeu est vraiment majeur et il est de notre devoir de les orienter vers l’acquisition d’une opinion positive sur les carrières scientifiques.

Dans ce cadre, nous avons participé à un effort mondial appelé « International Masterclass », initié par le Centre européen de recherche nucléaire qui vise à préparer la prochaine génération de chercheurs en physique des hautes énergies. Les Masterclass sont généralement la première occasion pour les lycéens d’entrer en contact direct avec nos activités. Le programme consiste en journées internationales au cours desquelles des milliers de lycéens âgés de 15 à 19 ans de tout le globe se rendent dans l’une des universités ou centres de recherche à proximité pour apprendre ce que c’est que d’être un physicien des particules. Nous avons constaté que les Masterclass internationales suscitent généralement un énorme intérêt parmi eux et beaucoup décident finalement de poursuivre dans ce domaine.

Nous étions aussi très actifs dans le cadre de l’association Avenir pour la Science et le Savoir qui a réalisé plusieurs activités scientifiques ouvertes au grand public.

2. Comment évaluez-vous la recherche scientifique au Maroc ? Le Maroc a déployé des efforts considérables pour promouvoir la recherche et l’excellence scientifique. L’université forme toujours de l’excellence scientifique et elle regorge de cadres et de compétences humaines qui ont fait leurs preuves dans le domaine scientifique. Nos lauréats intègrent aisément les Instituts de recherche de renommée mondiale. Nous souhaitons que plus de fonds soient débloqués pour encourager les chercheurs et garder l’expertise nationale dans le pays pour faire de la recherche un axe stratégique visant l’accompagnement du développement durable de notre pays dans cette phase de grandes mutations technologiques. 3. Quels sont les projets de recherche sur lesquels vous travaillez actuellement ? Nous sommes actuellement très impliqués dans le projet international KM3NeT, une collaboration internationale qui regroupe 16 pays du monde entier. Elle vise l’exploitation de la détection des neutrinos dans les abysses méditerranéens. Les neutrinos sont des particules singulières qui interagissent très faiblement avec la matière, par conséquent elles voyagent sur des distances immenses tout en gardant la mémoire de l’Univers. KM3NeT est une infrastructure scientifiques d’un km3 de volume, elle est composée d’un premier détecteur qui sera immergé à plus de 2.500m de profondeur près des côtes Siciliennes et qui sera dédié à la recherche des sources violentes de hautes énergies comme l’explosion d’étoiles et d’un second détecteur avec la même technologie qui sera immergé au large de Toulon (France) et qui s’intéressera aux propriétés des neutrinos elles-mêmes, notamment leur masse qui est lié au problème fondamentale de la prévalence de la matière sur l’antimatière.

Le Maroc est un partenaire très visible et très actif dans les collaborations KM3NeT. Les chercheurs marocains participent à la construction de cet édifice technologique à travers deux sites spécialisés, les seuls sites de construction hors Europe, installés aux facultés des sciences de Rabat et d’Oujda. Le premier site est dédié à l’intégration des modules optiques digitaux du télescope qui détectent le sillage lumineux issu des neutrinos, tandis que le second est consacré à la construction de l’électronique qui permettra de communiquer avec ces modules optiques qui seront agencés le long des lignes de détection.

Les chercheurs marocains participent également à l’exploitation des données scientifiques. Le projet assure ainsi à la fois un transfert technologique de pointe au Royaume et une formation de très haut niveau pour nos jeunes chercheurs qui contribuent énormément à la réussite de ce projet.

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