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En pleine crise, Danone s’engage à baisser le prix du lait au Maroc

BOYCOT – La campagne de la dernière chance? Cela fait plus de deux mois que le groupe Centrale Danone fait face à une crise sans précédent suite au lancement, quelques semaines avant le début du Ramadan, d’une campagne de boycott au Maroc contre la hausse des prix, visant notamment les produits de l’entreprise laitière.

Après une première communication désastreuse, et la désormais fameuse sortie d’un des cadres de Centrale Danone qualifiant les boycotteurs de “traîtres à la nation”, la filiale marocaine du groupe agroalimentaire français a tenté de calmer les esprits avec une large campagne diffusée pendant le Ramadan, sans succès.

Ce mardi 26 juin, la société a organisé une conférence de presse donnée par Emmanuel Faber, PDG de Danone, groupe qui possède presque 100% de Centrale. Surnommé par la presse française le “moine-soldat”, ce dernier a fait sensation après sa nomination à la tête de la multinationale en 2014, pour son profil dit “atypique”. Avant même la conférence de presse, il a mis en ligne sur les réseaux sociaux une vidéo expliquant sa venue au Maroc.

Si le lieu choisi dans la capitale économique pour accueillir la conférence, la Fondation Al Saoud, a alimenté les rumeurs auprès des journalistes sur une possible cessation des activités de Centrale Danone au profit d’une entreprise saoudienne, Emmanuel Faber est catégorique. À la question de savoir si l’entreprise quittera le Maroc, il tranche: “la réponse est non”.

Engagement de transparence

Le PDG, qui a mené la conférence du début à la fin, a mis l’accent sur le boycott dès l’entrée en matière: “Nous sommes marqués, je suis marqué, par le boycott dont fait l’objet notre marque ici au Maroc, et je suis venu pour comprendre et écouter”, a-t-il fait valoir, marquant sa volonté “d’écouter et non pas juger”. Un revirement à 360 degrés par rapport à la première sortie de la marque et un changement de stratégie de communication qui se veut beaucoup plus “compassionnelle”.

Emmanuel Faber a ainsi affirmé vouloir “offrir le meilleur de ce que les familles marocaines sont en droit d’attendre”, insistant sur le fait que “ses produits respectent l’exigence fondamentale de la foi musulmane, le halal et l’équité dans le commerce”. Une allusion qui fait sans doute suite aux nombreuses rumeurs circulant autour de la marque sur les réseaux sociaux.

Interrogé par le HuffPost Maroc sur l’importance accordée aux “fake news” circulant autour des produits de l’entreprise, il a répondu: “C’est une question que se posent tous les PDG de la planète. Les réseaux sociaux créent une horizontalité de l’information. Quand il y a une volonté de nuire, une désinformation, on rentre dans un domaine qui devient compliqué, les marques de l’alimentation sont à nouveau sujettes à cela. À part faire ce que l’on est en train de faire, je n’ai pas aujourd’hui de recette. Vous êtes consommateur et activiste. Il faut maintenant être capable de proposer des engagements de transparence et les mettre en place”, a-t-il fait valoir.

“Réinventer quelque chose de nouveau”

Si le PDG continue d’insister sur le fait qu’il “respecte les choix de ceux qui appliquent le boycott”, il reste persuadé que le groupe peut “réinventer quelque chose de nouveau”.

Il raconte ainsi avoir rencontré des jeunes et des mères de famille appliquant le boycott: “J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour les personnes que j’ai rencontrées en situation de boycott: des mères de famille, des jeunes, des blogueurs. Je suis frappé par l’engagement des mères pour leurs enfants. Des jeunes qui parlaient au nom de leurs parents”, a-t-il indiqué. Le PDG est également allé à la rencontre “d’éleveurs partenaires pour les aider à passer ce moment compliqué”, a-t-il indiqué, assurant vouloir “protéger leurs revenus”.

Des rencontres suite auxquelles le chef d’entreprise dresse ce constat: “Il me paraît clair que la société marocaine est traversée par les mêmes tensions que celles que l’on rencontre partout, c’est-à-dire les questionnements autour de la qualité, du prix, de la confiance. C’est vrai dans le monde entier et les jeunes marocains ne sont pas une exception”.

Des promesses

Emmanuel Faber s’engage ainsi à rendre le lait frais pasteurisé “plus abordable en prix et cela de façon durable”. Une baisse qu’il promet également de ne pas transférer sur le prix d’autres produits de la marque comme les yaourts.

En plus de cette annonce, le groupe a assuré prendre trois engagements: “Premièrement, si nous arrivons à trouver un modèle viable, je m’engage à ce que Danone travaille à prix coûtant”, et à ce qu’il n’y ait donc “plus aucun profit sur le lait pasteurisé”. Deuxièmement, “renforcer la transparence avec laquelle nous informons les consommateurs sur tout ce que Danone fait pour la qualité des produits. Le lait restera naturel, issu d’élevages marocains sans antibiotiques ni conservateurs”, a-t-il avancé.

Dernier point de la nouvelle stratégie du groupe: “inventer avec toutes celles et ceux qui le voudront un nouveau modèle de gestion de cette marque”. Ce dernier envisage en effet de faire du Maroc un “laboratoire” d’expérimentation d’un nouveau modèle où les consommateurs deviendront les “gouvernants”.

La question des plans sociaux

Depuis le début du boycott initié fin avril, Centrale Danone a accusé une baisse d’environ 20% de son chiffre d’affaires pour le premier semestre 2018, et annoncé une perte de 150 millions de dirhams de son résultat net.

Fin mai, l’entreprise avait décidé de diminuer de 30% ses volumes de collecte de lait cru auprès de ses 120.000 éleveurs partenaires, et avait également mis fin à 886 contrats d’intérimaires de courte durée sur les 6.200 employés travaillant sur les différents sites du groupe.

Interrogé sur l’avenir de ceux visés par les plans sociaux, le PDG de Danone botte en touche. “Je n’ai pas de réponse tant que celles et ceux qui ont fait le choix de ne pas acheter la marque Centrale ne la rachèteront pas demain”.

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