Société

Centres de recherche et d’études marocains : quels obstacles à leur contribution au débat public ?

De manière générale, les centres de recherche et d’études visent à développer et adapter les connaissances pour orienter scientifiquement les tendances politiques, sociales et économiques. Ils enrichissent également le débat public en traitant des questions actuelles et en offrant aux chercheurs un espace pour des études scientifiques.

Cependant, la réalisation de ces objectifs se heurte à plusieurs obstacles, notamment des contraintes légales liées au cadre juridique de ces centres et des difficultés, voire des impossibilités, à obtenir un soutien financier de la part des acteurs publics.

Certaines de ces institutions se trouvent également en situation d’« exclusion » en raison de la dépendance à l’égard de centres de recherche « fictifs et superficiels » ou étrangers, au service des agendas et objectifs institutionnels. C’est ce qu’a relevé récemment la Cour des comptes, avec des dépassements financiers dépassant 6 595 400 dirhams, posant ainsi la question de la contribution de ces centres à l’intégrité du débat public et des acteurs publics.

Problèmes et solutions

Le chercheur en sciences politiques et droits de l’homme, Abderrahman Allal, a déclaré que le débat public sur le rôle des centres de recherche revêt une « importance particulière au Maroc ».

Dr. Allal, dans une déclaration au journal « Al Omk », a souligné que pour répondre à cette importance dans l’expérience marocaine, il est nécessaire de traiter trois niveaux.

Le premier niveau concerne « la distinction entre les centres de recherche et les associations, qui partagent le même cadre juridique. La création d’une association, d’un institut ou d’un centre obéit aux mêmes conditions et formalités légales, mais les outils de travail, les approches adoptées et les contextes liés à la création des centres de recherche sont différents ».

Pour cette raison, le chercheur a affirmé qu’il est nécessaire de « réfléchir à la création d’un cadre juridique spécifique pour la fondation des instituts de recherche et des centres d’études, caractérisé par une flexibilité, d’autant plus que les associations elles-mêmes adoptent désormais les mêmes approches et outils méthodologiques que les centres de recherche ».

Relation avec les décideurs

Le deuxième niveau est lié au premier. Le cadre juridique des associations à but non lucratif pose des défis, alors que les centres de recherche doivent répondre à des besoins de recherche existants dans la société et fournir expertise et conseils à la fois à la société et aux décideurs, avec les coûts que cela implique.

Le troisième niveau concerne la relation avec les décideurs. Les centres de recherche produisent-ils leurs études et leur expertise pour avoir un impact sur les décisions publiques, les politiques, les programmes et les stratégies ?

Allal a noté qu’il existe souvent une distance entre le travail des centres de recherche au Maroc, peu nombreux, et les décideurs, qui préfèrent souvent faire appel à des instituts de conseil qui n’adoptent pas nécessairement la même approche que les centres de recherche et d’études fondés selon le dahir sur les libertés publiques.

Centres de recherche comme partenaires de l’intégrité

Ousama Bajji, président du Centre Agora pour les études médiatiques, sociales et politiques, a déclaré que les centres de recherche ont une responsabilité scientifique qui les rend des partenaires essentiels dans l’intégrité et l’amélioration du débat public.

Le chercheur en questions de médias et de communication, Ousama Bajji, a affirmé, dans une déclaration au journal « Al Omk », que les études et documents scientifiques publiés par les centres de recherche influencent positivement l’opinion publique, développent les connaissances et orientent les stratégies politiques, sociales et économiques.

Bajji a ajouté que les centres de recherche enrichissent le débat public en traitant et analysant les questions actuelles et en interagissant avec elles par le biais d’études et de consultations.

Difficulté de financement et soutien

Bajji a souligné que le travail des centres de recherche est entravé par des difficultés de financement, voire son absence. De nombreux bailleurs de fonds imposent leurs opinions et orientent les résultats des études et recherches selon leurs propres convictions, idées et projets, qu’ils soient politiques, économiques ou idéologiques.

Bajji a également noté un autre problème lié à la communication avec les institutions publiques. Les décideurs publics préfèrent souvent se tourner vers des centres de recherche étrangers ou fictifs pour servir leurs objectifs spécifiques.

Dépassements financiers

Le rapport annuel de la Cour des comptes a relevé des irrégularités financières dans les dépenses liées au soutien annuel supplémentaire des partis politiques pour l’année 2022, avec des dépassements financiers de 6 595 400 dirhams.

Selon le rapport, des observations ont été faites sur tous les partis politiques ayant reçu un soutien, notamment l’octroi d’avances sans preuves du travail accompli, l’absence de documents justifiant le recours à la concurrence pour sélectionner les bureaux d’études, l’absence de rapports et de résultats des études réalisées, et l’absence d’accords détaillant les conditions et les prix unitaires pour chaque étude, ainsi que le paiement d’avances et de frais d’études et d’impression de documents réalisés par un cadre du parti en dehors du cadre annuel de soutien.

Le rapport a fourni des chiffres et des noms prouvant que les partis politiques marocains ont distribué des millions de dirhams à des proches dans le cadre de contrats de « bureaux d’études », souvent sans appel à la concurrence ni documents prouvant la réalisation du travail.

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