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PRÈS DE 16% DES MAROCAINS ONT DES TENDANCES SUICIDAIRES !

Le phénomène touche les adultes mais également les jeunes, catégorie très vulnérable. Chez les 15-29ans, le suicide constitue la deuxième cause de décès après les accidents de la circulation. La prévention est l’affaire de tous : parents, professionnels de la santé ou de l’éducation…

«Plus d’amour et un peu moins d’éducation». C’est une suggestion de Meryeme Bouzidi Laraki, présidente de «Sourire de Réda», association créée en 2009 pour la prévention du suicide des jeunes. Il s’agit d’un message adressé aux parents à travers lequel elle les invite à instaurer le dialogue et à prendre le temps d’écouter les enfants. En particulier ceux dans une situation de souffrance. En effet, lorsqu’une détresse est silencieuse, elle entraîne l’isolement du jeune et peut le conduire à passer à l’acte fatal.

Au Maroc, selon des chiffres communiqués par l’Organisation mondiale de la santé, on compte 800 suicides par an dont 82% concernent des hommes. Trop peu, connaissant la tendance des familles à ne pas vouloir déclarer la véritable raison du décès. Une étude du ministère de la santé, réalisée en 2014 au CHU Ibn Rochd, parle, elle, de 16% de la population marocaine qui déclare avoir des tendances suicidaires. Chez les jeunes, les données de l’enquête révèlent que 14% de la tranche des 13-15 ans déclarent avoir déjà fait une tentative de suicide. On retiendra encore que chez les 15-29 ans, le suicide constitue la deuxième cause de décès après les accidents de la circulation.

Mais au-delà des chiffres, se pose, selon l’association «Sourire de Réda», la problématique de la prise en charge des enfants en détresse. Pour cela, il n’y a pas, explique Meryeme Bouzidi Laraki, de recette miracle si ce n’est la communication et l’ouverture vers l’autre. D’où le choix du message «Ana M3ak» de la campagne de prévention 2018 lancée à l’occasion de la Journée nationale de la prévention du suicide des jeunes. Après la campagne «Baraka men Skat» ou «Stop au silence» de 2016, l’association estime qu’aujourd’hui il faut passer à l’étape suivante: agir et accompagner les jeunes qui ont des pensées suicidaires. «Après avoir insisté dans nos précédentes campagnes sur la nécessité de parler pour se sentir mieux, nous avons souhaité, cette fois-ci, rassurer les jeunes sur le fait qu’ils ne sont pas seuls en interpellant et en impliquant leur entourage adulte -et jeune également- dans une chaîne de solidarité», précise la présidente de l’association.

La prévention est alors l’affaire de tous: jeunes, adultes, parents, professionnels de la santé ou de l’éducation… L’association interpelle aussi le gouvernement, notamment les départements de l’éducation nationale et la santé, à agir dans ce sens en organisant des campagnes ainsi que des ateliers de sensibilisation. Car l’adolescence demeure une phase de vulnérabilité et de fragilité des jeunes qui appelle à une régulière vigilance des parents et de l’entourage adulte, notamment en milieu scolaire et parascolaire. Isolement, mutisme, colère, irritabilité et prise de risques. Autant de signes de souffrance auxquels il faut être attentif pour pousser le jeune à en parler. Ce qui ne semble pas être facile : un sondage mené par «Sourire de Réda» en 2017 laisse apparaître que sur 842 jeunes âgés de 10 à 25 ans, 53% ne parlent à personne de leurs problèmes. Certes, ce sondage, réalisé auprès des jeunes ayant consulté le site de l’association, ne porte pas sur un échantillon représentatif de la population marocaine. Toutefois, il traduit les difficultés ou le manque de communication intergénérationnels. Ce que confirme un psychologue qui estime que «le plus souvent les messages ne sont pas toujours bien décodés ni bien compris par l’entourage adulte d’un jeune en souffrance». Celui-ci ne peut aller de sa propre initiative chez un thérapeute et s’enferme sur lui-même. C’est pourquoi la campagne «Ana M3ak» de l’association recommande qu’il ne faut pas avoir peur d’aborder le sujet avec le jeune, qu’il faut être patient et surtout l’écouter sans porter de jugement.

Les causes du suicide chez les jeunes sont diverses et vont de l’échec scolaire aux addictions, en passant par le harcèlement en milieu scolaire ou la violence dans la famille. Certains observateurs avancent que le suicide chez cette population est dû à la nucléarisation de la famille et à la modernité de la société, impliquant une indisponibilité des parents. Ce qui leur fait dire qu’«autrefois, la famille était soudée et les enfants bien entourés aussi bien par leurs parents que par leurs oncles, tantes et autres grands-parents qui contribuaient tous à leur éducation». Cela dit, il est difficile d’établir un lien entre la modernité et le suicide des jeunes, car si l’ancien modèle familial procure bien une proximité avec le jeune, cela n’induit pas automatiquement l’écoute de celui-ci, ni la façon de communiquer avec lui… Et c’est ce qu’il faut aujourd’hui, selon l’association «Sourire de Réda» qui a choisi de mener son action autour de trois axes: sensibiliser, communiquer et intervenir… 

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